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Cinéma de danse et de musique européen

El amor brujo (Francisco Rovira Beleta, 1967)

ImageDrame musical  de francisco Rovira-Beleta, chorégraphies d’Alberto Lorca, musique originale de Manuel de Falla, avec Antonio Gades, La Polaca, Rafael de Córdoba, Morucha, Espagne, 1967, 103 minutes. 

Cadix, années 1960. Dans un faubourg de pêcheurs, la jeune Candelas (La Polaca) se croit hantée par le fantôme de son ancien amant Diego Sanchez (Rafael de Córdoba), disparu après une rixe mortelle. Elle demande alors l’aide d’Antonio (Antonio Gades), un ouvrier du port qui est amoureux d’elle. Mais elle découvre bientôt que Diego, bien vivant, se cache pour échapper à la vengeance de la famille de sa victime. Diego somme alors Candelas de s’enfuir avec lui. Mais la jeune femme est partagée entre la fascination apeurée qu’elle éprouve pour Diego et son amour plus tendre pour Antonio. Le dénouement, on s’en doute, sera violent et tragique… 

ImageCe film, partiellement inspiré de l’œuvre musicale éponyme de Manuel de Falla, possède une grande intensité dramatique : la terreur de Candelas face aux signes multiples d’une présence venue de l’au-delà, la violence des sentiments soulignée par des couleurs sursaturées, l’univers maléfique de la nuit peuplée de créatures surnaturelles, le feu qui dévore les choses comme les passions dévorent les êtres, la brutalité des rapports entre les personnages, créent un climat à la fois étrange et très prégnant. 

ImageLa psychologie torturée de Candelas, qui se révèle incapable de choisir entre l’amour impérieux et maléfique de Diego qui la terrifie mais aussi la fascine, et l’amour protecteur et généreux d’Antonio, ajoute encore à la puissance tragique du scénario. Celui-ci souffre cependant de quelques faiblesses. Par exemple, la révélation, au milieu du film, que Diego, loin d’être un revenant, est un être bien vivant, annihile brutalement l’atmosphère fantastique qui s’était instauré dans la première partie de l’oeuvre. Sans que l’intrigue plus conventionnelle, sur fonds de rivalité amoureuse, qui prend alors le relais parvienne à compenser cette perte d’intensité.     

ImageLe récit a pour cadre un vieux faubourg de pécheurs, avec ses: entrelacs de rues étroites, ses murs soigneusement crépis à la chaux, ses femmes de pêcheurs reprisant les filets, ses bruits de forge, son linge étendu sur les terrasses inondées de soleil, ses processions religieuses, ses combats de coqs, ses cabarets où résonne la musique de fandango, ses muletiers conduisant leurs bêtes le long du rivage, ses bateaux de pêche accostant au port, son marché au poisson… Une atmosphère vibrante de vie, mais déjà menacée par l’expansion urbaine qui couvre l’horizon de barres de bétons. Et qui rappelle celle déjà décrite, quatre ans plus tôt, dans un autre grand film du même metteur en scène consacré au Flamenco, Los tarentos (1963). 

ImageCar c’est bien le Flamenco qui constitue le sujet principal du film, où il est omniprésent : sur les marchés, au bord de la mer, dans les tavernes. Des scènes de danse accompagnées par la musique de Manuel de Falla, adaptée et interprétée à la guitare par Narcisco Yepes, et qui expriment la violence des passions amoureuses : terreur de Candelas cherchant à échapper sur le rivage à un Diego dominateur, dans une atmosphère sursaturée de rouge, ou encore poursuivie sur les terrasses de la ville par terrifiant ballet de danseurs masquée et de moines encapuchonnés ; magnifiques danses de séduction, en solo ou en duo, d’Antonio Gades avec la Polaca et Morucha, dans la salle d’une taverne, puis autour d’un feu de bois, métaphore du caractère indomptable et destructeur de l’amour… 

ImageL’œuvre de Manuel de Falla, L’amour sorcier, a inspiré à plusieurs reprises le cinéma espagnol. Après les adaptations d’Antonio Román en 1949 et de Francisco Rovira Beleta en 1967, une nouvelle version fut réalisée en 1985 par Carlos Saura. Plus proche musicalement de la partition originale de De Falla, elle substitue aux décors naturels la convention assumée d’un tournage dans un studio de cinéma. On y retrouve la troupe d’Antonio Gades dans une œuvre à mon avis encore plus aboutie sur le plan de la danse et mieux charpentée sur le plan cinématographique, ce qui n’enlève rien aux immenses qualités au film de Rovira, et notamment à sa fantasmagorie cauchemardesque et à sa brutalité tragique.  

ImageCelle-ci reçut un assez bon accueil de la critique, et fut en particulier nominée pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. 

Pour en savoir davantage sur le film, consulter la fiche Wikipedia et l’article de Salvador Sainz. Pour visionner le film complet, cliquez sur : brujo.

 Fabrice Hatem

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