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Cinéma cubain et de salsa

Cantos

Charlie Petersmann, Suisse, 2013, documentaire, 74 minutes

ImageUn vieil homme à la recherche de médicaments « anti-douleur » pour son ami atteint d‘un cancer ; un blogueuse et son groupe d’amis dissidents dénonçant la dictature castriste ; un jeune vendeur  ambulant de friandises dont le grand frère se prépare à partir pour l’exil ; un paysan aux allures de héros brisé cultivant tristement un lopin de terre avec ses vieux parents : le jeune réalisateur suisse Charlie Petersmann nous présente son œuvre quatre facettes du malheur cubain d’aujourd’hui.

Ces portraits pris sur le vif témoignent à la fois, chacun à sa manière, des difficultés et des soufrances qui affectent la vie quotidienne des habitants de l’île – oppression politique, pénuries de médicaments, pauvreté, prison, exil -, mais aussi de leur farouche volonté vivre et de se battre. Avec aussi quelques magnifiques gestes de générosité, comme celui de cette vieille femme renonçant à ses propres analgésiques – pourtant si difficiles à trouver là-bas – pour les donner à un plus malade qu’elle.

C’est filmé dans le style d’une vidéo documentaire, souvent caméra à l’épaule. En saisissant les personnages dans leur spontanéité et leur intimité, le réalisateur parvient à nous faire éprouver pour eux curiosité et empathie. Le film évolue cependant, selon chacune des quatre histoires qui s’y entrecroisent, dans un espace incertain entre la semi-fiction (cas du vieil homme à la recherche d’anti-douleurs), le documentaire (cas de la blogueuse dissidente), le reportage « à chaud » (cas du jeune vendeur à la sauvette) et l’intimité de la vie quotidienne (cas du jeune paysan). Sans être contestable dans son principe (car cette diversité des manières de voir, si elle était mise en œuvre avec efficacité, pourrait accroître la richesse de l’œuvre), ce choix conduit cependant dans le cas de Cantos à un discours cinématographique un peu bancal où l’on ne sait plus trop bien ce qu’il faut prendre pour une information, pour une réalité légèrement réinterprétée ou pour une fiction pure et simple.

Sur le plan strictement documentaire, le film ne parvient pas, du fait même de son mode d’élaboration, à donner la mesure véritable des expédients auxquels les cubains sont réduits pour survivre (marché noir, petits trafics, vols de biens publics, prostitution, guide clandestin pour touriste, etc.). En effet, le réalisateur a choisi de suivre, un peu au hasard de ses rencontres, des personnages rééls. Il est bien clair qu’aucun cubain n’aurait accepté de se faire filmer en train de pratiquer l’une des activités précédentes, ce qui l’aurait conduit immédiatement en prison. On reste donc de ce point de vue un peu à la surface des choses, alors que le film Melaza, par exemple, en faisant d’emblée le choix de la fiction, parvient à reconstituer de manière beaucup plus aboutie les mécanismes par lesquels un système d’oppression et d’interdiction généralisées pousse de trop nombreux cubains vers la transgression, l’ammoralité et parfois la délinquance.

Bref, Cantos est un film attachant et intéressant, mais qui souffre d’une certaine incohérence dans sa forme et et d’un relatif inaboutissement dans le traitement de sa thèmatique.

Fabrice Hatem

Vu au 15ème Festival Filmar en America Latina, Genève, novembre 2013

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