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Vie culturelle

Tango DJ magazine n°1 : les DJ parlent aux DJ… et aux autres

ImageC’est en allant danser un dimanche d’avril 2013 à la Sacrée Milonga du Studio Peter Goss, à Paris, que j’ai découvert le premier numéro d’une nouvelle revue de tango, Tango Dj Magazine, créée à l’initiative de l’organisateur de cet événement, Akira Natchi.

Je savais déjà, pour avoir interviewé  celui-ci, qu’il était passionné par les questions liées au DJing et à l’animation de bals. Il m’avait d’ailleurs parlé à cette occasion de son projet de publication sur le tango. Ce ne fut donc pour moi qu’une demi-surprise d’en prendre connaissance…

… mais tout de même une agréable surprise, du fait de la qualité inattendue de cette revue, dans son contenant comme dans son contenu. Tout d’abord, une présentation très travaillée, avec un format carré original en 21 X 21 cms, un papier glacé de bonne qualité, une mise en page très aérée et une quadrichromie très agréable à l’œil ; ensuite, le choix d’un lectorat international, concrétisé par l’utilisation de la langue anglaise ; enfin des articles souvent assez techniques et spécialisés, autant semble-t-il destinés au cercle restreint des DJs qu’à un lectorat grand public.

« Les DJ parlent aux DJ » pourrait-on dire en effet à propos de cet opuscule, qui compte parmi ses auteurs quelques-uns des animateurs de milongas les plus chevronnés d’Europe et d’Amérique du nord… Et dont la plupart associent à une grande érudition tanguera un impressionnant bagage de connaissances et de savoir-faire techniques, acquis dans leur vie professionnelle « officielle », qu’ils mettent au service de la programmation musicale.

Le sommaire de la revue associe, dans un séduisant cocktail, deux types de contenus : d’une part, des articles spécialisés, à caractère très technique sur le « métier » de DJ ; d’autre part, des textes un peu plus généralistes, mais ayant toujours un lien plus ou moins direct avec la musicalisation des milongas.

Notre ami parisien Richard Garrido, DJ à ses heures, mais également directeur dans le « civil » d’une importante société d’équipements audio, nous livre tout d’abord ses réflexions sur le choix des matériels. J’ai particulièrement apprécié le précieux mélange de rigueur technique et de bon sens qui se dégage de ses propos. D’une part, il démontre la nécessité pour un DJ professionnel d’éviter un certain nombre d’équipement « bas de gamme » du type format MP3, mini-jacks ou autres Ipods, mal adaptés du fait de leur faible résolution à la sonorisation de milongas importantes. D’autre part, il nous montre la nécessité de bien calibrer la puissance et la complexité des équipements en fonction des besoins, en appliquant quelques raisonnements simples et en évitant les pièges d’une hyper-technicisation inutile, voire nuisible. Il nous offre ainsi un article équilibré, écrit de manière à la fois rigoureuse et accessible à un débutant, où l’on peut trouver de précieux points de repère sur les techniques de stockage, de traitement et de diffusion du son. Un texte qui nous fait également comprendre que l’activité de DJ est un véritable métier, nécessitant une formation sérieuse, et qui ne doit pas s’improviser si l’on veut respecter tant soit peu le public.

Le Dj Canadien Eric Lannoix, appliquant sans doute au tango les réflexes acquis dans le cadre de son travail d’ingénieur-projet à la NASA, nous présente pour sa part un petit logiciel d’aide à la programmation musicale de sa confection, appelé VODCA (Vibrant and Optimised DJing through Computer Assistance). Son principe consiste à présélectionner, au moment de chaque cortina, une short-list de tandas envisageables à cet instant. Il s’appuie pour cela sur un ensemble de règles et de critères reproduisant artificiellement le processus de choix du DJ « humain » : éviter les programmations répétitives, organiser la succession des genres musicaux (tango, milonga valse..), adapter la tanda au moment de la soirée, alterner les orchestres, calibrer la durée des tandas, éliminer ou au contraire privilégier certaines époques, varier les styles, etc. Une approche qui peut sembler a priori assez séduisante, même s’il faudra attendre encore un peu pour savoir si cet outil est effectivement transférable et appropriable par d’autres DJ que son créateur.

Côté culture générale, le DJ anglais Michael Lavocah nous présente, dans un article dense mais un peu touffu, son nouveau livre Musical secret, consacré à ce qu’il considère être les quatre grands orchestres de la « période d’o  » des années 1940 : Di Sarli, Pugliese, Troilo et d’Arienzo. Un ouvrage qui associe, dans un cocktail assez séduisant, une analyse assez approfondie des styles musicaux et une évocation très vivante de l’histoire de ces formations.

Un très intéressant article est enfin consacré par Akira Natchi lui-même aux collectionneurs et rééditeurs japonais de musique de tango ancienne : association AMP fondée en 1954 par Yoshihiro Oiwa, Club CTA créé en 1975 par Akihito Baba. Une instructive plongée dans l’histoire des grands aficionados nippons du 2X4, agréablement illustrée par de nombreux documents d’époque.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette revue, qui parvient à présenter des sujets parfois assez ardus techniquement ou très spécialisés de manière attrayante et relativement aisée à lire. J’attends donc intérêt le prochain numéro de Tango DJ Magazine, annoncé pour la fin de l’année 2013.

Si, en attendant, vous désirez vous procurer le numéro 1, vous pouvez le commander sur le site www.sacremilonga.fr…. Ou mieux encore, vous rendre à cette milonga un dimanche après midi pour y demander un exemplaire gratuit, qui vous sera sans doute remis en mains propres par Akira lui même.

Saluons cette louable initiative d’un DJ passionné qui donne ainsi à son activité, au delà de la seule animation de milonga, une dimension culturelle à la fois ambitieuse et  désintéressée.

Fabrice Hatem

Pour plus d’informations : www.sacremilonga.fr

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