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Reflets du cinéma latino-américain

Tony Manero

ImageDrame de Pablo Larraín, Chili, 2008, 97 minutes

En 1978, Santiago du Chili vit sous la botte de la dictature militaire. Mais Raùl a d’autres préoccupations : Il est en effet obsédé par le personnage de Tony Manero, incarné par John Travolta dans La fièvre du samedi soir. Et il est prêt à tout, y compris à tuer, pour gagner le concours du meilleur sosie organisé par la télévision.

Le sentiment de malaise provoqué par ce film est particulièrement pénible pour un amoureux de danses et de cultures latines. Tout y est en effet à rebours de nos rêves et des valeurs auxquels nous adhérons. Les principaux personnages sont complètement aliénés à la culture de masse nord – américaine, en l’occurrence le Disco deJohn Travolta, dont ils copient, du fond de leur faubourg perdu, le moindre geste, le moindre détail vestimentaire, après avoir regardé des dizaines de fois le film dans un cinéma de quartier miteux.

La pratique de danse elle-même n’est pas l’occasion d’une activité conviviale et créative. C’est la reproduction clonique, interprétée de manière mécanique et sans plaisir, des mouvements observés à l’écran. Son but ? Gagner trois sous dans un spectacle minable et remporter un concours de sosies dans un programme télévisé parrainé par une marque de lessive locale.

Quant au personnage principal, Raùl, la cinquantaine un peu fatiguée, la danse ne l’a pas épanoui, mais au contraire transformé en un bloc d’égoïsme et d’agressivité. Ses désirs sont laids, sans amour, sans partage. Aucune tendresse, aucune compassion ne le relient plus au reste des hommes, y compris à ses proches qu’il instrumentalise sans égards. Sa passion est devenue une obsession meurtrière, qui le transforme en Serial killer par désir de se procurer les objets nécessaires à la satisfaction de son idée fixe : lecteur de cassettes, carreau de verre pour le décor, pellicule du film…

Gros plans sur des visages blêmes et fatigués, décors froids et laids, scènes d’amour physique tristes et sales, courses hébétées dans les rues d’un Santiago glacé par la terreur de la dictature : le réalisateur nous transmet sa vision d’un monde suffocant, épuisé et désespéré, d’où la beauté et la chaleur humaine semble bannis. Celui du Chili des années Pinochet, sur lequel Pablo Larraín a depuis réalisé deux autres films : Santiago 73 post mortem et NO. Mais aussi celui dans lequel peut se perdre n’importe quel danseur, amateur ou professionnel, lorsque par malheur sa passion nourricière se transforme en obsession dévorante.

Fabrice Hatem

Pour en savoir plus : http://www.imdb.fr/title/tt1223975/

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