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Cinéma de danse et de musique européen

Pina – Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus

Documentaire de Wim Wenders, Allemagne, 2010, 103 minutes ImageDans ce film dansé, Wim Wenders rend hommage à Pina Bausch, légendaire fondatrice du Tanztheater de Wuppertal. De larges extraits de ses chorégraphies, complétés par quelques images d‘archives et des témoignages de danseurs de sa troupe, restituent l’œuvre et la personnalité de cette grande artiste.

Pina Bausch est brutalement décédée, d’un cancer généralisé, quelques semaines avant que Wim Wenders ne commence le tournage de ce film. Celui-ci, qui avait initialement été conçu comme une coréalisation, s’est donc transformé, par la force des choses, en un documentaire-hommage consacré à la chorégraphe.

Wim Wenders possède l’art de susciter l’émotion et l’amour pour ce qu’il montre. Son film Buena Vista Social Club avait ainsi joué un rôle majeur dans la redécouverte de la musique cubaine traditionnelle. Cette fois, c’est le théâtre dansé de Pina Bausch qu’il parvient à nous faire aimer.

Il donne pour cela une priorité absolue aux images de danse, pour la plupart filmés à l’occasion du documentaire. Pina Bausch n’autorisant pas la prise vidéo de ses spectacles, les images d’archives sont en effet rares. Win Wenders a fait de cette contrainte une force, en concevant des prises de vues originales : scène vide où l’image des artistes apparait soudainement, comme par magie ; caméra se déplaçant au milieu des danseurs, avec parfois des gros plans sur le visage de l’un d’eux ; projection de documents d’archive devant les artistes du Tanztheater filmés de dos ;  images intercalées de différentes troupes interprétant la même chorégraphie, comme Kontakthof ou Café Müller ; scènes de danses filmées dans différents lieux de Wuppertal et de ses environs – rame de métro suspendue, jardin, rivière, rue passante, mine à ciel ouvert, usines, tunnel …

Ces scènes de danse, qui constituent la plus grande partie du film, ne sont interrompues par aucune disgression de type « documentaire ». La parole est par contre donnée, au cours du film, à plusieurs  danseurs de la troupe, qui évoquent en voix « off » leur travail avec Pina Bausch pendant que leur image apparaît en gros plan sur l’écran.

Le film ne repose pas sur une construction narrative conventionnelle, de type chronologique ou thématique. Les scènes de danse, les extraits des différents spectacles et les entretiens se succèdent sans qu’il soit possible d’y discerner un ordre logique. Et pourtant, le film s’écoule de manière naturelle, sans longueur, sans désordre apparent, éblouissant et surprenant en permanence le spectateur.

Comment décrire en quelques mots l’art si original de Pina Bausch ? Disons d’abord qu’il s’agit  de danse théâtre, fait pour suggérer par le mouvement corporel les émotions qui dans le théâtre traditionnel sont surtout transmise par un texte. Ceci implique la mobilisation de l’ensemble des possibilités corporelles, y compris l’expression faciale, la gestuelle des bras et des mains, le mime ou la voix. Aspergés d’eau, recouverts de terre, attachés, parfois à la limite de la chute, les corps presque meurtris, les danseurs, vieux ou jeunes, professionnels ou non, sont amenés par Pina Bausch à se livrer jusqu’au bout d’eux-mêmes, sur des mouvements souvent inventés par eux à la demande de la chorégraphe, trouvant ainsi la voie d’une très grande intensité expressive : joie, peur, passion, désir, tendresse, violence, douceur, souffrance, drôlerie, timidité, domination, désespoir, folie, plaisir, solitude, angoisse sont alors montrés dans la pureté de leur jaillissement.

Mouvement de ballets compacts dégageant une très grande énergie, danseurs exécutant simultanément sur scène plusieurs solos d’inspirations très différentes, chorégraphies conçues comme des scènes de théâtres muettes : la diversité de ce qui est montré semble inépuisable. La musique, empruntée à tous les styles – blues, pop, tango, rock, bossa nova, jazz, fado, danzon musique classique, romantique et baroque -ajoute encore, par son côté souvent décalé, à la poésie des interprétations. Et les éléments naturels – terre comme dans le Sacre du Printemps, eau et rocher comme dans Vollmond – jouent souvent un rôle important dans les spectacles.

Certains critiques ont, paraît-il, reproché aux chorégraphies de Pina Bausch une tendance à la répétitivité. Ce défaut n’apparaît pas dans la mise en scène de Wim Wenders, qui magnifie au contraire le jaillissement permanent d’inventivité qui caractérise le travail du Tanztheater de Wuppertal. Une fois terminé le film, on a vraiment envie de faire ses bagages et d’aller passer huit jours là-bas !!!

Fabrice Hatem

Renseignements : www.boutique.francetv.com

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