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Cinéma cubain et de salsa

Música cubana (la nouvelle génération)

Docu-fiction de German Kral, Allemagne, Cuba, Japon, 2004, 88 minutesImage

La Havane, 2004. Le chauffeur de taxi et aspirant-producteur Barbarito convainc le légendaire chanteur Pío Leiva, vétéran du Buena Vista Social Club, de former un groupe composé de jeunes talents pour participer avec lui à des tournées à l’étranger. Ils nous emmènent à la rencontre de différents artistes incarnant les tendances de la musique populaire cubaine d’aujourd’hui.

Malgré la grande qualité des interprètes, le film décrit à mon avis l’histoire d’un semi-ratage musical. Il est aussi très décevant sur le plan strictement cinématographique.

Le point fort du film est la qualité et la diversité de sa matière première artistique : Timba avec Mayito Rivera et le groupe Los Van Van : Boléros « feeling » interprétés par El Nene et son orchestre Los Jóvenes Clásicos del son ; Son moderne avec Luis Frank Arias Arias et Los soneros de verdad ; Latin pop avec Osdalgia et les Chiki-Chaka girls ; rap cubain avec Telmary et Los Interactivos ; Latin jazzavec le groupe du trompettiste Julio Padrón  et quelques autres, qui, écoutés séparément, sont tous excellents.

Mais lorsque Pìo Leiva tente d’agréger ces talents si divers au sein d’un groupe unique, nommé Sons of Cuba, le résultat musical est loin d’être convaincant. L’idée de mélanger Guarachas, Rap, Latin pop, Timba et Boléro « Feeling » dans une même chanson ne conduit, à mon humble avis, qu’à un magma stylistique, une macédoine musicale où les différents styles se succèdent en se heurtant au passage sans entrer en résonnance.

 Cette impasse esthétique est encore aggravée par la médiocrité du film proprement dit. Pìo Lieva, déjà très âgé au moment du tournage, est exaspérant de cabotinage et forme avec le taxi-imprésario Barbarito un couple peu crédible et dégoulinant de bons sentiments. Les scènes de rue où les artistes se mêlent aux gens ordinaires paraissent souvent factices. La manière de filmer manque parfois d’originalité, avec des images dépourvues de la magie poétique de Buena Vista Social Club.

Le film mythique de Wim Wenders apparaît en effet comme l’aune à laquelle le spectateur se réfère spontanément pour mesurer, avec tristesse, la médiocrité de Música Cubana. Au lieu de la poésie simple et bouleversante dégagée par Ibrahim Ferrer, le cabotinage de Pìo Lieva. Au lieu d’un évocation à la fois coquine et romantique des femmes par Compay Segundo évoque les femmes, les propos machistes et la vulgarité de Luis Frank Arias ; au lieu de l’immense émotion musicale dégagée par les retrouvailles de vétérans géniaux de la musique cubaine, un mic-mac stylistique de circonstance ; au lieu des images sublimes de Wim Wenders, un Cuba de carte postale ; au lieu de la splendeur du Carnegie Hall, une salle de concert anonyme au Japon… Au lieu du pur Chan Chan interprété par son auteur, une version en manteau d’Arlequin juxtaposant les styles sans emporter la conviction….  et j’en passe.

Il n’est donc pas étonnant que l’on n’ait plus entendu parler, depuis 2004, du groupe Sons of Cuba, dont les intégrants de circonstance ont poursuivi séparément leur carrière après la fin du tournage, alors que l’orchestre Buena Vista Social Cuba continuera de nous faire rêver, même une fois ses membres disparus, à l’éternelle musique cubaine.

Fabrice Hatem

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