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Reflets du cinéma latino-américain

El Camino de San Diego (le chemin de San Diego)

Comédie dramatique de Carlos Sorín, Argentine, 2007, 98 minutes

ImageTati, jeune bûcheron au chômage un peu simplet de la région de Missiones, au Nord-est de l’Argentine, est un fan de Diego Maradona. Un jour, il découvre une racine d’arbre qui lui paraît ressembler à son héros marquant un goal. Apprenant que celui-ci est tombé malade, il décide de se rendre jusqu’à Buenos-Aires pour la lui offrir.

Ce film émouvant entrelace trois niveaux de récit. Il s’agit d’abord d’un « Road movie » plein de fantaisie qui conduit Tati à rencontrer toutes sortes de personnages inattendus : un camionneur brésilien bon vivant, adepte de la santeria ; un groupe folklorique de Chamamé en pèlerinage vers le sanctuaire d’un petit saint local ; un gentille prostituée rêvant de quitter son claque perdu pour tenter l’aventure de la grande ville ; un piquet de grévistes coupant la route pour offrir un asado festif aux automobilistes furieux  ; un vendeur aveugle de billets de loterie qui prend Tati en sympathie et pourrait, qui sait, lui apporter la fortune… Et comme dans les autres films de Sorín, la vision de cette humanité bonne et compatissante, toute prête à aider son prochain, nous apporte un sentiment d’apaisement et d’optimisme.

Il y a ensuite le personnage de Maradona, dont nous suivons à la télévision la maladie puis le rétablissement pendant le voyage de Tati. A travers un mélange d’images d’archives et de fiction, le réalisateur nous transmet le sentiment de vénération quasi-religieux éprouvé par le peuple argentin pour son héros souffrant, l’inquiétude partagée puis le soulagement général étant rythmés par les bulletins de santé et les flashes d’information de dernière minute. D’une étape à l’autre, Tati se rapproche de Diego, pour enfin le voir passer en une fraction de seconde dans une voiture aux vitres teintées, à l’entrée de sa grande propriété des environs de Buenos Aires. Autour de lui, se trouvent des centaines d’autres fans, porteurs eux aussi de toutes sortes de cadeaux incongrus, comme des offrandes faites à un Saint.

Il y a enfin Tati lui-même, clé poétique du film avec son personnage à double face : d’une côté, un être naïf et désarmé, presque un faible d’esprit, obsédé par son admiration pour Maradona au point qu’il croît distinguer sa figure dans un banal bout de bois ; de l’autre, un visionnaire au regard illuminé, capable de discerner la beauté surnaturelle des choses et êtres derrière les apparences les plus banales. Un mélange de chamane indigène et de Saint François d’Assise qui croît que les arbres sont habités par des esprits et qui parle avec les petits animaux de la forêt.

Cette poésie naïve et spontanée est si pure, si forte qu’elle se communique parfois à son entourage, comme à cette foule qui se prosterne soudain devant sa racine sculptée comme devant une icône religieuse. A d’autres moments, il semble que les êtres vivants et les choses forment autour de notre héros une sorte de chaîne d’amour miraculeuse lui permettant de mener à bien son voyage en dépit de tous les obstacles, un peu comme le Christ marchant sur les eaux du Lac de Tibériade. Et quand la réalité désenchantée se rappelle à notre souvenir – par exemple sous les traits d’un employé indifférent abandonnant dans un coin, comme un vulgaire bout de bois, la racine merveilleuse offerte par Tati – nous ne savons pas qui il faut plaindre le plus : notre héros si vulnérable face au monde réel, ou bien ces pauvres incrédules qui n’ont pas su être touchés par sa foi et par sa grâce…

« Bienheureux les simples d’esprit, car ils seront assis à la droite du Seigneur ». Au fond, El Camino de San Diego nous conte un peu, comme son titre semble d’ailleurs le suggérer, une expérience mystique. Et il nous enseigne que la foi du charbonnier peut, sinon soulever des montagnes, du moins remplir les cœurs de bonheur et d’espoir.

Fabrice Hatem

Pour plus de renseignements : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=119833.html

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