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Reflets du cinéma latino-américain

O Samba que mora em Mim (La samba que je porte en moi)

Documentaire de Georgia Guerra-Peixe, Brésil, 2011, 72 minutes

ImageUne cinéaste revient sur les traces de son enfance rythmées par la musique de Samba, dans la favela de Mangueira, à Rio de Janeiro. La caméra serpente dans les ruelles étroites, pénètre dans l’intimité des habitants, presque tous noirs ou métis. Chacun raconte son histoire, tissée pour les femmes de maternités à répétition, pour les hommes d’alcoolisme et de violence, pour (presque) tous de pauvreté. Toutes un florilège de personnages haut en couleur émerge de  ces confidences, comme cette incroyable centenaire, fumeuse de pipe édentée et grand-mère de 168 petits-enfants, objet du respect général, y compris de celui des trafiquants de drogue du quartier qui n’hésitent pas à risquer la prison pour la conduire en voiture à l’hôpital en cas d’urgence.

Tous sont rassemblés autour de l’amour de la musique et de la danse. On les voit danser la samba ou le funk dans de petits cafés, au son de l’un des nombreux orchestres du quartier. On écoute les confidences de ces fous de musique et de rythme, comme cet accordéoniste obèse et souriant ou ce semi-invalide capable d’exprimer toute la polyrythmie afro-brésilienne avec les seules ressources de ses mains et de sa voix. On voit répéter les danseurs et les groupes de Batucada, en préparation du carnaval, dans la grande école de samba du quartier. Et, dans les ateliers de couture, des dizaines de petites mains s’affairent à la préparation des costumes de carnaval

Mais, curieusement, la montée attendue vers une apothéose musicale ne se produit pas. Les scènes de musique et de danse sont en général écourtées et fugitives. Les images de l’école de samba s’attardent davantage sur des espaces vides et silencieux que sur les scènes de répétitions. Et c’est finalement dans un quartier désert, sombre et morne que nous assistons, devant une mauvaise télévision, au chatoyant défilé du carnaval. Et foin des langoureuses beautés tropicales, ce sont des vieilles femmes édentées, ridées ou obèses, que nous voyions esquisser quelques pas (d’ailleurs très réussis) de samba devant le poste.

Ce choix sans doute délibéré de rompre avec les clichés de l’exotisme permet sans doute au documentaire d’atteindre une certaine vérité dans la description du quotidien difficile des habitants. Il fait aussi prendre conscience d’une certaine forme de dépossession / aliénation de la culture populaire brésilienne par les médias et l’industrie des loisirs de masse. On n’en reste pas moins un peu frustré de n’avoir pas été mis davantage au contact de cette splendide musique de samba dont la favela de Mangueira constitue l’une des sources vivantes.

Fabrice Hatem

(Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le Jeudi 22 novembre 2012)

www.filmar.ch 

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