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Reflets du cinéma latino-américain

Macunaíma

Fiction de Joaquim Pedro de Andrade, Brésil, 1969,108 minutes

ImageImpossible et surtout inutile de résumer en quelques mots le scénario de ce film déjanté, succession fantaisiste et sans logique apparente de situations burlesques.

Le héros, Macuaima, tantôt noir crépu et grimaçant, tantôt prince charmant blanc au gré des sorts jetés par des magiciens et surtout des sautes d’humeur du scénariste, traverse avec ses deux frères un Brésil à la fois onirique et caricatural, où les personnages de contes de fée se mélangent avec une réalité elle-même parodiée.

C’est un brouet indéfinissable, mais très réussi, de caricatures de télé-novelas, de contes d’Hoffman à la sauce tropicale, d’avant-gardisme psychédélique, de grand-guignol, de folklorisme kitch et de satire de la société brésilienne de l’époque.

ImageComme cette forêt-vierge de pacotille, peuplée de sorcières coquines et de géants poilus, où notre héros naît un jour, déjà adulte, dans une cahute de paille aux allures de décor de théâtre. Comme cette grande ville surréaliste où les dangereuses guérilleras surarmées retournent, leur journée de travail terminée, dans leur splendide villa pour faire la cuisine et donner le biberon à leur petit dernier. Comme cet industriel obèse, représenté sous les traits d’un terrible ogre de contes de fées habitant un palais enchanté au cœur de la ville réelle. Le côté pied-nickelés de nos trois héros, avec leurs assortiments de costumes aux couleurs criardes, et toujours accompagnés d’une ou deux jolies bimbas aux mises en plis impeccables, accentue encore la loufoquerie de ce film sans queue ni tête apparents.

ImageAdaptation d’un roman de Mário de Andrade, cette œuvre aborde cependant, à sa manière bouffonne et métaphorique, les tensions et les difficultés de la société brésilienne de son époque, comme la violence de l’extrémisme politique, les clivages ethniques et sociaux, les ravages d’une expansion industrielle incontrôlée, les contrastes entre le monde artificiel de la ville et l’univers primitif de la forêt-vierge.

Mais il le fait à sa manière imaginative et amusante, à l’opposé absolu de tout didactisme pesant.    ImageOn passe donc un excellent moment, de surprises en éclats de rires, à regarder ce film décalé et inclassable, qui fut salué à sa sortie comme l’une des productions les plus originales du Cinéma Novo brésilien des années 1960 et n’a, 40 ans plus tard, pas pris une seule ride.

Fabrice Hatem

(Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le dimanche 25 novembre 2012)

www.filmar.ch

 

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