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Autour de l'Amérique latine

Le flûtiste fait des pizzas

Je m’appelle Alberto. Je suis cubain et musicien. Enfin j’étais musicien, flûtiste. Maintenant, je travaille dans les cuisines d’une pizzeria, à Séville. Je vais vous raconter mon histoire.

Comme musicien, je gagnais bien ma vie. Je travaillais dans des orchestres connus, comme celui d’Ornilde Zapata.

Seulement, voilà. Je suis un peu dépensier. J’ai des maîtresses, je joue aux cartes, j’aime bien le rhum aussi. Alors j’ai emprunté de l’argent à des garroteros. C’est comme cela qu’on appelle les usuriers, ici, à Cuba.

Avec les garroteros, les taux d’intérêt sont si élevés que votre dette croît avec une rapidité infernale. Bientôt, il devient impossible de les rembourser, même si au départ on a emprunté qu’une petite somme. Et alors, gare à vous !

Je leur devais 2000 CUC, à rembourser sans faute à la fin septembre. Je comptais sur une tournée en Europe de l’orchestre d’Ornilde pour gagner cet argent et sortir de là. Mais quand il nous a payés, en Italie, il ne nous a donné que la moitié de l’argent promis. Des frais imprévus, paraît-il. Mais en fait, il cherchait à nous arnaquer. Et dire qu’il joue au type sympa, devant les caméras des Yumas !!

De rage, je me suis précipité sur lui et nous nous sommes battus. Puis, je me suis enfui. Je savais que je ne pouvais plus rentrer à Cuba. Si je n’arrivais pas à payer les garroteros, ils étaient capables de me tuer. Et puis, j’avais assez, de de pays. Alors, je suis allé vivre en clandestinement en Espagne. Pas trop difficile, pour moi, avec ma peau blanche et la langue. Pour gagner ma vie, j’ai commencé à travailler au noir dans les cuisines d’une pizzeria.

Quand les garroteros ont vu que je ne les remboursais pas, ils sont venus chez moi, ont emporté la télé, le frigo et la vaisselle, et ont cassé tout le mobilier qu’ils ne pouvaient pas prendre. Quand j’ai pu parler à ma femme quelques jours plus tard, au téléphone, elle était encore en larmes.

Voilà, vous connaissez mon histoire. Certains jours, je n’ai pas trop le moral. Cuba me manque, la baie de Santiago, ma famille, mes amis… Heureusement qu’il me reste le rhum !!!

Fabrice Hatem

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