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Autour de l'Amérique latine

Chienne de vie

Mais où est ce que je vais dormir, avec le petit ?

C’était il y a quatre ans. Je me promenais dans la rue Enramada, avec ma copine Lisa. Elle a eu plus de chance que moi, finalement. Elle est restée à Santiago. Alors que moi, je galère toute seule, avec le petit, dans cette grande ville de Paris où tout est si cher…

Lisa vous a déjà raconté comment nous avons rencontré nos deux italiens. Elle a eu un enfant avec Tony, mais il l’a laissé tomber, et elle est restée avec sa fille à Santiago. Cela fait longtemps que je n’ai pas eu de nouvelles d’elle, mais, parfois, je me dis qu’elle a eu plus de chance que moi.

Moi, j’ai épousé mon italien, et nous sommes allés vivre ensemble à Paris. Ou plutôt, dans banlieue de Paris, à Bobigny. Mais là, j’ai été très déçue.

C’est vrai qu’en Europe, il y plein de chose qu’on ne trouve pas à Cuba. Il y a à manger tous les jours, les WC fonctionnent, on a des salles de bain propres dans les maisons, une voiture, les policiers ne vous embêtent pas tout le temps.

Mais il manque aussi plein de choses. Santiago, c’est beau, il y a de soleil, les voisins se parlent entre eux, on a toujours des amis partout. Ici, à Bobigny, il fait souvent gris, les gens ne se parlent pas beaucoup : Ce n’est pas beau, avec toutes ces grandes tours grises. Et puis, Paris, c’est grand, c’est fatigant, pour aller travailler, il faut faire deux heures de transport aller-retour. Sans parler de ces bandes de jeunes qui passent leur temps à embêter les gens !!

J’ai commencé à travailler comme femme de ménage. Là-bas, à Santiago, j’étais institutrice, mais je suis une fille courageuse, je n’ai jamais refusé le travail. Finalement, Paulo était beaucoup moins riche que je ne le croyais quand il était venu à Santiago, et, avec la petite, on avait besoin d’argent.

On aurait quand même pu être heureux, seulement voilà : Claudio, des fois, se met à boire, et quand il et saoul, il me bat. Au début, ça n’arrivait que de temps en temps, mais, après un an, j’avais droit à deux raclées par semaine.

J’ai supporté, supporté. Je l’aimais bien Paulo, c’est quand même lui qui m’avait fait sortir de Cuba. Et puis, j’espérais vraiment qu’on y arriverait un jour, à faire un couple heureux et paisible, comme j’en avais tant rêvé, à Santiago. Mais chaque fois que je rentrais à la maison, après le travail et les course, mon cœur se serrait : est-ce qu’il y allait encore y avoir une scène, cette nuit ?

Et puis, un jour qu’il me battait, le petit s’est mis à pleurer, et il s’en est prise à lui aussi, Alors, ça, je n’ai pas supporté. Cette nuit-là, je me suis réfugiée chez une voisine avec ma gamine. Et le lendemain, après avoir beaucoup hésité, je suis allée à la police.

En fait, la police, ils n’ont pas fait grand-chose. Par ici, dans le nord de Paris, c’est un peu la jungle. Même les policiers n’aiment pas trop sortir dans la rue. Ils ne se déplacent que quand il se passe quelque chose de vraiment grave. Alors, pour une femme battue…

Quand je suis rentrée à la maison, j’avais très peu pour moi et la petite. Peut-être que Paulo allait être fou furieux que je sois partie, recommencer à nous battre tous les deux…. Alors, je lui ai dit que j’étais allée à la police, mais que je ne porterais pas plainte s’il arrêtait. Pendant un mois, il ne s’est rien passé. Paulo était redevenu presque normal. Il ne m’a même pas fait de reproches. Il a arrêté de me battre. J’ai presque arrêté d’avoir peur.

Au bout d’un mois, ils ont quand même convoqué Paulo au commissariat. Quand il a reçu le papier, il est devenu fou furieux contre moi. Il m’a dit gros mots, m’a dit que j’avais pourri sa vie en lui mettant le grappin dessus à Santiago, qu’il n’avait qu’une envie, c’était de nous mettre dehors, moi et mon fils… Enfin j’ai eu droit à tout, sauf aux coups… Il devait quand même avoir un peu peur de la police…

Quand il est revenu du commissariat, il était presque calme. Il s’est assis de devant la télé, et il ne m’a pas adressé la parole. J’ai préparé le diner, comme d’habitude, et on a mangé, comme ça, sans dire un mot.

Cela a duré plusieurs semaines. On vivait l’un à côté de l’autre, sans se parler. Je me levais, je mettais la petite à la crèche, j’allais travailler à Paris, je rentrais, je faisais les courses et la cuisine, et puis on mettait devant la télévision et on allait dormir. C’était presque normal, sauf qu’on ne se parlait pas.

Et puis, un soir, quand je suis rentrée, il était complètement saoul. Il m’a encore insultée, et puis il a recommencé à me battre.

Alors là, j’en ai eu assez. J’avais tout préparé en cachette pour le cas où il recommencerait, et je suis partie me réfugier avec mon petit chez ma copine. Toute la nuit, j’ai eu peur qu’il vienne nous faire encore des histoires ici, mais il ne s’est rien passé.

Le lendemain, je suis allée porter plainte à la police. Mais je ne voulais plus retourner chez Paulo. Alors ils m’ont envoyée à une assistante sociale, très gentille, qui m’a trouvé une chambre pour moi et ma fille dans un foyer pour femmes. Mais ils n’ont dit que ce n’était que pour quelques semaines, et qu’après, il faudrait que je trouve à me loger par moi-même. Et ce n’est pas avec mes 3 heures de femme de ménage par jour que je vais trouver un palace.

Cela fait deux mois maintenant que j’habite au centre pour femmes. J’ai entrepris une procédure de divorce, et les policiers ont interdit à Paulo de m’approcher.

Il a y quelques semaines, j’ai cru que mes problèmes commençaient à se régler : une de mes employeuses, qui travaille dans une agence immobilière, m’avait dégoté un studio à Boulogne, pour un an. Mais, au dernier moment, la proprio n’est pas partie comme prévu à l’étranger, et ça a capoté.

Alors, si vous connaissez une chambre pas trop chère à louer pour moi et mon fils, et aussi si vous avez des heures de ménage pour moi, ça m’aiderait bien.

Fabrice Hatem

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