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Carnet de Voyage 2011 à Cuba

Septeto Típico Tivoli : Pour danser sur une musique de qualité

Santiago de Cuba, Jeudi 27 juillet 2011

Après une première phase d’enthousiasme indifférencié devant la vitalité de la scène musicale Santiaguera, le visiteur de passage, pour peu qu’il cherche à approfondir le sujet, commence à classer et à juger. Dans la musique populaire de l’Oriente, il y a en effet un peu de tout : des groupes petits et grands, traditionnels et innovants, célèbres et inconnus, et … bons ou mauvais.

tivo3 En appliquant les critères précédent, je pourrais définir le Septeto Tivolo comme des nombreuses formations Santiaguera de grande taille, proposant une musique populaire de qualité, innovante et ouverte sur les rythmes caraïbes voisins, et dont la notoriété internationale ne me semble malheureusement pas à la hauteur de sa valeur réelle (photo ci-contre : le groupe en concert au Patio de los Abuelos).

Le groupe fut créé en 1995 sur une idée qui aujourd’hui paraît bien dépassée au vu de son répertoire actuel : interpréter exclusivement de la musique traditionnelle composée à Santiago de Cuba. D’où son nom : Septeto Tivoli – une référence à l’un des quartiers les plus typiques de Santiago, qui fut également l’un des berceaux de la Trova. Quinze ans après, le groupe existe toujours et a même fait preuve d’une remarquable stabilité : 5 de ses fondateurs sont en effet toujours présents dans la formation actuelle. Cependant, son projet artistique, au départ un peu restrictif, s’est notablement élargi dans deux directions : d’une part, le développement d’un répertoire contemporain, dont une grande partie est d’ailleurs l’œuvre des musiciens du groupe ; d’autre part, l’agrégation, sur un socle à l’identité cubaine profondément marquée (Sones et Boléros), de styles musicaux venus du reste des Caraïbes (Merengue, Bachata), ainsi que de Salsas.

tivo4 « Les thèmes traditionnels et contemporains s’équilibrent dans notre répertoire, explique Eduardo Charon, le directeur du Septet (photo co-contre, avec Andres). Nous voulons que notre public retrouve ses repères de musique traditionnelle. Mais nous essayons de donner à ces œuvres classiques un « toque » actualisé dans nos arrangements. Par contre, dans la partie moderne de notre répertoire, nos arrangements conservent un certain classicisme. Nous espérons ainsi donner une identité musicale homogène à notre orchestre ».

Les dosages sont cependant différents selon les circonstances. Par exemple, dans le dernier CD du septet, De mi isla al caraibe, les compositions contemporains et les rythmes extérieurs à Cuba sont largement dominants : sur les 12 thèmes de l’album, six ont été écrits par des musiciens du groupe et presque tous les autres par des compositeurs actuellement en vie. On n’y compte que 4 Sones et autres Boléros, contre 8 Bachatas, Merengue et Salsas. A l’inverse, dans les concerts auxquels j’ai assisté à Santiago, la partie cubaine traditionnelle était largement dominante- image touristique de la ville oblige -,avec notamment un Chan Chan surprenant d’inventivité musicale.

tivo1 Le Septeto Tivoli respecte la structure traditionnelle des groupes de son : deux chanteurs, une basse, un bongo, une tumbadora, un tres, une guitare. Cependant, comme son nom ne l’indique pas, il rassemble plus de 7 musiciens : en effet, ce ne sont pas 2 mais 4 chanteurs qui gravitent autour de la formation, pour des raisons liées à la fois à la diversité des répertoires et – surtout – aux contraintes des calendriers artistiques (certains chanteurs étant souvent en tournée avec d’autres groupes).

Certains musiciens ont une formation académique. Les autres viennent, comme on dit ici, de la « calle », ce qui signifie, en gros, qu’ils se sont formés par eux-mêmes, de manière empirique. Andrès, le tresero, et Erick, le bassiste, ont respectivement étudié la guitare et le violon dans les écoles d’art. William, le percussionniste, est également un musicien diplômé. Ils sont d’ailleurs souvent aussi professeurs dans des écoles de Santiago, à l’exemple de William, professeur de percussions à la Escuela Vocaciona de Artes. Par contre, Eduardo Charon, le guitariste (et aussi directeur du groupe) ainsi que Ramon, le bongocero, sont des musiciens empiriques. C’est le cas également de la plupart des chanteurs, comme Miclin (photo ci-dessous).

tivo6 Cette association entre musiciens empiriques et académique, sans être propre au Septeto Tivoli, constituent cependant in fine l’une de ses forces majeures : les qualités des uns et des autres – connaissances théoriques et virtuosité technique des académiques, instinct musical et toque populaire des empiriques – se complètent de manière harmonieuse. « Les rythmes populaires de Cuba s’apprennent dans la rue, et chacun développe sa propre façon de jouer » reconnaît Andres, le tresero, lui-même de formation académique.

Le secret de cette alchimie réussie réside peut-être dans l’esprit de groupe qui anime les membres du Septeto, et dont la manière de réaliser les arrangements constitue la plus claire – et la plus décisive – illustration. Bien sûr, l’idée central vient du directeur, Eduardo. « Mais ensuite, explique Andrès, chacun prend en charge un aspect des choses, Selon ses compétences et sa spécialité d’instrumentiste », explique Andrès. Les cordes sontpar exemple l’affaire d’Andrès. William s’occupe des percussions, Eduardo prépare les différents types de choeurs, Erik fait le montage final. Et puis, il y a aussi des parties improvisées, notamment celles de la trompette entre strophes. Au bout du compte, c’est le jugement collectif du groupe qui permet d’achever l’arrangement « Si ça sonne bien, c’est gardé »» dit Andrès.

tivo5 Le résultat est une musique pleine d’imprévus, de changements de climat, mais qui présente en même temps une grande unité d’ensemble, et surtout se prête très bien à la danse, du fait notamment de la solidité de la section rythmique, toujours très en place : or, il n’y a justement rien de plus difficile à concilier pour un orchestre de musique populaire, que l’ambition artistique et la capacité à « chauffer » une salle de danse.

Selon les morceaux, l’orchestre sait également jouer sur une large palette de nuances, comme le montre l’écoute du CD De mi isla al caraibe (dont on aurait tout de même pu espérer qu’il soit reproduit avec davantage de soin : écouter une musique crachouillante et bégayante est une épreuve très désagréable, et les fables moyens techniques cubains s’excusent pas tout). Dans Quiero Salsa (salsa), la musique, très carrée, sonne parfaitementpour la danse. Dans Traicionera (Merengue), on apprécie la qualité des solos de tres et de trompette (photo ci-dessous), la vitalité des dialogues entre les chanteurs solistes et le choeur, les jolis contrechants de tres autour des voix. Dans Viejo Amigo, les lignes mélodiques des différents instruments s’entrelacent en une harmonieuse et précise polyphonie. Un des secrets de ce son de qualité (outre de très nombreuses répétitions hebdomadaires) nous est donné par Eduardo : « nous avons investi dans des instruments de qualité ». Et quand on connaît Cuba, on sait la somme de sacrifices que cela peut représenter pour des musiciens aux revenus souvent faibles, toujours incertains. tivo2

En résumé, Ils sont bons. Ils ont déjà réalisé 6 CDs, dont 3avec la compagnie d’Etat cubaine Egrem et 3 en indépendants. Ils sont déjà allés en France, aux Etats-Unis, en Belgique, en Ecosse, en Angleterre… Leur meilleur souvenir ? La France, justement, ou ils sont venus, deux années de suite, en 1998 et 1999, animer la saison d’été du Casino de Deauville-Trouville. « Nous avons appris énormément de choses, là-bas, se rappelle Eduardo avec enthousiasme. Et puis, il y a eu ces 15 jours à Paris… Ils aimeraient bien revenir !! Avis aux amateurs de bonne musique cubaine….

Fabrice Hatem

Coordonnées du groupe : mcss@arzsantiago.co.cu ; ippss@arzsantiago.co.cu (Ecrire à Erik)

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