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Carnet de Voyage 2011 à Cuba

Les deux cubaines les plus importantes de ma vie : Maritza et Irene

Mardi 12 juillet 2011

p1080186 Dans l’habituelle hiérarchie des intérêts masculins, les jeunes femmes dotées d’une taille svelte et d’un visage sans rides tiennent une place privilégiée. Maîtresses de l’amour, elles constituent de ce fait la source majeure d’inspiration des poètes et des écrivains. Une grande injustice est cependant ainsi faite aux femmes d’âge plus mur, sans lesquelles tous nos rêves érotiques s’effondreraient en peu de temps dans un cauchemar de désordre, de saleté et de malnutrition.

Le voyageur de passage à Cuba peut faire très concrètement l’expérience de ce fait. Une fois dépensées quelque poignées de dollars avec une ou deux Messalines tropicales fauchées et avides, une fois achevé le tournage d’un Nème reportage sur une jolie danseuse de Rumba, que lui reste-t-il en effet à espérer de son séjour ?guantanamera Sa pitance quotidienne, son lit fait et une affection attentive et efficace que seules les femmes d’un certain âge savent prodiguer – les jeunes étant trop préoccupées par le choix d’une jolie robe, la rentabilisation de leur tour de poitrine ou leur attente du Prince Charmant.

Rappelez-vous le film cubain Guantanamera, de Juan-Carlos Tabio : deux chauffeurs – un jeune et un vieux – se partagent la conduite d’un camion. Le jeune collectionne les conquêtes féminines. Plus exactement, à chaque étape, une jeune et belle harpie se précipite sur lui pour lui reprocher violement ses infidélités et ses promesses non tenues, tout en lui lançant à la tête quelques objets contondants. Le vieux de son côté, ne suscite qu’indifference chez jeunes femmes. Mais, à chaque arrêt, l’une de ses vieilles amies un peu usées lui apporte en souriant un Calzado bien appétissant ou une pastèque bien fraîche.

p1080172 Je voudrais donc contribuer à corriger, à ma manière, l’injustice faite aux femmes d’âge mûr en déclarant haut et fort que les deux cubaines les plus importantes de ma vie s’appellent Maritza et Irene (premiere photo). Elles sont toutes deux Santiagueras et sont respectivement la propriétaire et la femme de ménage de la maison où je loge. L’une a deux grands fils de 25 ans passés, l’autre est grand’mére.

img 0301 Sans leur discrète, mais oh ! Combien efficace sollicitude quotidienne, je ne serais plus aujourd’hui qu’un pauvre hère sale, puant, hirsute, famélique et dépenaillé.

Lors de la fête de Despedida de mon dernier séjour à Santiago, les hommes devoraient des yeux les jolies jeunes femmes qui dansaient sur la terrasse de la Maison de Maritza (photo ci-dessus).

Mais, pendant ce temps-là, qui préparait, dans la cuisine du rez-de-chaussée, les bons gâteaux dont nous nous sommes tous régalés ? Irene (photo ci-contre, aidée par Rafael).

p1100389 Irene me confectionne, chaque jour, de délicieux repas, des soupes de viande, du riz parfumé « Obeja », des bananes frites, des salades de légumes et des jus de fruit. Tous les matins, elle va faire pour moi les courses au marché voisin. Elle nettoie ma chambre, elle change mes draps, elle lave et repasse mon linge. C’est une personne calme, souriante, intelligente, efficace, d’humeur toujours égale.

p1100382 Mais, ce que je ne savais pas, c’est qu’elle est également une agréable danseuse et une excellente pédagogue. Samedi dernier, dernier jour de la fête du Feu à Santiago, la Conga est passée à deux rues de notre maison. Irene s’est alors précipitée, joyeuse comme une gamine, pour la voir passer, en m’entraînant avec elle. Quand nous sommes arrivés tout près du défilé, elle a commencé à danser la Conga. Voyant que j’avais un peu de mal à la suivre, elle m’a très gentiment enseigné le pas de base – franchement, sans flagornerie, une des meilleurs profs de danse que j’aie jamais eu à Cuba.

p1100257 (2) En plus, elle m’a raconté plein d’anecdotes sur les Congas de Santiago pendant que nous nous promenions, un peu plus tard, sur le boulevard Alameda, au bord de la Baie (photo ci-contre).

Quant à Maritza, elle cache, selon l’image consacrée, un cœur d’or sous une apparence un peu bourrue et autoritaire. La porte de sa maison est toujours grande ouverte, et il passe rarement une heure sans que rentre un voisin, un amis, un cousin, toujours bien accueilli, pour saluer et prendre des nouvelles. Et rares sont aussi les mois où ne se tient pas sur la terrasse de Maritza l’une de ces belles fêtes dont les cubains et surtout les Santiagueros ont le secret (1).

p1090397 Mais surtout, Maritza s’occupe très bien de moi. Elle a décidé que son « Yuma » – entendez : son touriste étranger – devait être le plus élégant de toute la ville. Le « standing » de sa maison particulière en dépend. J’ai donc eu droit, tout d’abord à un cours général sur l’élégance cubaine : pour plaire aux femmes, ici, les hommes doivent avoir des chemises propres et bien pliées, des chaussures impeccablement cirées, des cheveux bien coiffés, et surtout sentir bon. Avec ces caractéristiques, et si en plus il danse bien, tous les espoirs sont permis au plus laid et au plus pauvre de ses compatriotes. Alors quel sommet de séduction pourrait rester inaccessible à un « Yuma », qui de plus possède les deux immenses atouts de l’exotisme et de la richesse ? Mais c’est justement pour cela, continua mon mentor féminin, que les étrangers ne doivent pas décevoir, comme c’est trop souvent le cas – et là l’allusion personnelle était transparente – par une tenue négligée et par une hygiène déficiente.

Après la théorie, la pratique. Je fus immédiatement sommé d’envoyer au lavage une chemise déjà mise la veille, ainsi que la pile de linge usagée qui traînait sur une chaise, prête au réemploi. On me fit cadeau d’un stick de déodorant cubain, avec l’instruction sans réplique de l’utiliser au moins une fois par jour, après mes deux douches quotidiennes obligatoires.

Une fois achevée cette première phase consacrée à l’hygiène de base, nous entrâmes dans la seconde, concernant le ravalement du bâtiment principal. Une coiffeuse et une manucure, amies de Maritza, furent convoquées un matin chez elles pour transformer son ours des cavernes français, griffu, velu et hirsute, en élégant Santiaguero aux mains soignées et aux cheveux bien coupés. Un peu réticent au départ, j’avoue avoir in fine apprécié la transformation.

Troisième phase : la décoration extérieure. A l’occasion d’une sortie nocturne avec mes hôtes, l’ensemble de ma garde-robe fut soigneusement passée en revue. Une discussion générale très animée s’engagea entre eux sur le choix de la chemise, du pantalon et des chaussures que je porterais ce soir-là. L’enjeu principal portait apparemment, non sur la qualité intrinsèque de chaque élément vestimentaire, mais sur la manière de les combiner afin d’obtenir le plus élégant dégradé de tons et de couleurs. Le choix porta ce soir-là sur des chaussures blanches (élues au premier tour à l’unanimité), ainsi que sur un pantalon noir et une chemise noire à manches courtes, ornées de fils d’argent (ce choix ayant nécessité plusieurs tours de scrutin, face à un ensemble à dominante beige qui tint longtemps la corde).

Vint alors l’étape suprême.

img 0228 Je m’étais isolé quelques instants dans ma chambre afin exécuter la sentence populaire en revêtant les vêtements désignés par mes amis. C’est alors que Maritza entra, en me regardant d’un air particulièrement décidé, portant dans ses mains deux objets oblongs : un stick de gel pour les cheveux et un flacon de parfum. Malgré quelques protestations timides, je fus aspergé de parfum, tandis que plusieurs applications de gel donnaient à mes cheveux un aspect ordonné que je ne leur avais jamais vu auparavant de toute ma vie. Tout cela était un peu nouveau pour moi, mais, je l’avoue, plutôt agréable au fond.

img 0168 Mais Maritza, n’est pas seulement un amphytrion généreux et un mentor attentif. C’est aussi une très agréable compagne de loisirs. Je ne souviens de cette délicieuse excursion en sa compagnie au village du Cobre, où nous visitâmes ensemble l’église de la Virgen de la Caridad del Cobre et le monument au Cimarron (photo ci-dessus) avant de rendre visite à quelques membres de sa famille dans une maison au magnifique jardin (photo ci-contre). Je me souviens aussi de toutes ces joyeuses fêtes familiales où elle m’invita toujours avec beaucoup de gentillesse (photo ci-dessous).

photofetesite1 Voilà, c’est pour toutes ces raisons que les deux cubaines qui sont le plus importantes dans ma vie – et aussi parmi les plus chères à mon cœur – sont mes hôtesses de la rue Padre Pico de Santiago, Maritza et Irene.

Fabrice Hatem

(1) La jolie maison de Maritza est situee dans la Calle Padre Pico, l’une des rues les plus anciennes et les vivantes de toute la ville de Santiago. J’y ai passé des moments merveilleux de fête et de découverte des différents aspects de la musique et de la danse cubaines en compagnie de mes amis et professeurs Rafael, Nano, Lizabeth, Maria, Yadira, Clara, ainsi que d’Alexis, Diana et de beaucoup d’autres qui m’honorèrent de leur amitié. C’est une adresse que je vous recommande chaudement. Sra Maritza, Padre Pico 303, e/Heredia y San Basilio, Santiago de Cuba, tél : 00 53 (0) 22 653 219.

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