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Carnet de Voyage 2011 à Cuba

Adalberto Alvarez y su Son à la Casa de la Musica

adal4 Samedi 12 juin 2011

Après le très tonifiant concert d’Azucar Negra hier, je suis retourné ce samedi à la Casa de la Musica pour écouter Adalberto Alvarez y su son.

Au sein de la galaxie des orchestres cubains de musique dansée, le groupe Adalberto Alvarez y su Son occupe dans mon cœur une place particulière. C’est en effet l’un de ceux, parmi les plus connus, qui revendique de la manière la plus claire son attachement à ces formes traditionnelles d’expression populaire que sont le Son, le boléro, ainsi que les musiques d’origine afro-cubaine. Mais tout en préservant la fraîcheur et la spontanéité de ces genres musicaux, et en cherchant avant tout a faire danser les gens, Aldalberto Alvarez poursuit depuis des années une recherche novatrice et de haute valeur artistique, aux antipodes de certaines musiques à vocation plus commerciale[1].

adal1 La première chose qui frappe le spectateur néophyte dans un concert d’Adalberto Alvarez, c’est la tranquillité des musiciens, qui se concentrent sur leurs instruments sans perdre leur énergie en pitreries n’apportant rien d’un point de vue artistique. Nous sommes loin ici des jeux de scène très visuels des chanteurs de Maykel Bianco, de l’agitation frébrile du boy’s band de la Charanga Habanera, ou de la violence verbale aux allures très Rap de Gente de zona. Les seuls à faire un peu spectacle étaient hier les deux chanteurs-vedettes. Encore cela tenait-il plutôt d’un contact amical avec le public, établi soit par la parole, soit à travers quelques mouvements de danse non chorégraphiés. Cet attitude effacee avait quelque d’un peu déroutant par rapport aux « standards » actuels des concerts de Timba cubaine. Mais personnellement, j’ai beaucoup apprécié cette manière indirecte de nous inviter à nous concentrer sur l’écoute d’une musique interpretee sans fards et sans trompe-l’œil.

adal2 L’orchestre, comme son nom d’ailleurs le revendique, posséde une structure proche de celle des groupes de Son urbain traditionnels, avec une sonorité cependant modernisée par la présence d’un clavier électrique. Quel plaisir de pouvoir ainsi entendre, comme cela ne nous est plus proposé par les orchestres de Timba, un beau solo de Tres (guitare cubaine traditionnelle à trois cordes) au milieu du concert ! Celui-ci nous permit d’écouter un répertoire en forme d’hommage à la musique et à l’expression dansée populaire traditionnelle, avec des morceaux de Son, un boléro, un cha-cha-cha, ainsi que quelques œuvres d’inspiration plus afro-cubaine[2]. TocaToca, Para Bailar Casino, Mi linda habanera, Homenaje a los Orishas, figurent parmi les thèmes que j’ai reconnus avec certitude. Mais il y en a eu beaucoup d’autres, une petite dizaine au total, pendant l’heure et demi qu’a duré le concert, entre minuit et demi et deux heures du matin.

adal5 Le public n’était pas aussi nombreux que pour les concerts de certains groupes célèbres de Timba auxquels j’avais déjà assisté à La Casa de la Musica, comme par exemple Maykel Blanco. Sans doute, les choix honnêtes et artistiquement ambitieux d’Adalberto Alvarez ont-ils un peu éloigné de lui certains publics plus sensibles au clinquant de la musique-spectacle. On ne voyait pas en face de la scène, comme dans les concerts de la Charanga Habanera, trois rangs compacts d’adolescentes déchaînées, remuant frénétiquement les hanches pendant que leurs copains très excités levaient en l’air leur canette de bière Bucaneros. A l’image de l’orchestre, le public était plus calme que lors de ces manifestations, avec peut-être aussi une plus forte proportion de danseurs de couple – Salsa et même rumba. Comment s’en étonner, quand l’on sait qu’Adalberto Alvarez a fait de la préservation des traditions de la rueda de Casino l’un des objectifs de son travail artistique ?

J’ai évidemment passé une excellente soirée, la moitié du temps au bras de jolies danseuse cubaines ou japonaises, adal3 et, l’autre moitié, scotché avec mon appareil photo juste en face de l’orchestre, dont les membres semblaient d’ailleurs apprécier mon intérêt pour leur musique et se prêter assez volontiers à mes prises de vue. Cette familiarité entre les artistes et le public est sans doute d’ailleurs l’un des caractéristiques les plus sympathiques des spectacles de musique populaire cubaine, qu’il s’agisse de Son, de Timba, de Rumba ou d’afro. Un petit bémol cependant : malgré la très grande qualité des musiciens, le son manquait parfois un peu de netteté, du fait peut-être d’une sono mal réglée ?

Fabrice Hatem

 


[1] Pour en savoir davantage sur Aldalberto Alvarez : http://www.montunocubano.com/Tumbao/biographies/alvarez,%20adalberto.htm

[2]Rappelons à ce sujet qu’Aldalberto Alvarez occupe aussi un rang élevé dans la hiérarchie de La Regla de Ocha : celle de prêtre ou Babalao.

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