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Chansons de Son et Boléros traditionnnelles

Guantanamera

fernandez Pour consulter ma traduction de l’une des versions possibles de cette chanson, cliquez sur le lien suivant : guantanamera

Traduire, commenter et illustrer par des documents sonores la plus célèbre des chansons cubaines relève un peu de la gageure, pour plusieurs raisons.

D’abord parce qu’il est difficile de fournir à son sujet des informations sures, comme la date de sa création ou le nom de son compositeur. Joseito Fernandez a souvent déclaré l’avoir écrite en 1929, mais il a également évoqué d’autres dates à plusieurs reprises. Sa paternité a d’ailleurs été contestée par un autre musicien, Herminio « El Diablo » García Wilson, que de nombreux musicologues s’accordent à considérer comme – au moins – le co-auteur de l’œuvre.

Quant aux paroles… Pratiquement chacune des très nombreuses interprétations que j’ai écoutées en proposent une version différente, soit par suppression ou interversion de certaines parties du texte de référence (cf infra), soit – encore plus fréquemment – par invention pure et simple de nouvelles strophes. Plus qu’une oeuvre finie, cette chanson apparaît donc comme une trame d’improvisation permettant aux interprètes de donner libre cours à leur imagination. C’est particulièrement vrai de Joseito Fernandez lui-même, qui livrait chaque jour une version différente de la chanson dans l’émission de radio qu’il animait à Cuba dans les années 1930.

Vous pouvez vous-même vous faire une idée de cette prolificité en écoutant quelques-unes des innombrables versions de l’œuvre : deux interprétations très différentes l’une de l’autre de Joseito Fernandez ; une descarga débridée de celui-ci en compagnie de Benny Moré ; une interprétation célèbre de Celia Cruz ; une version plus jazzy de José Feliciano… et ce n’est là qu’un tout petit échantillon…

marti Il existe cependant un texte de référence servant en quelque sorte de point focal à ce feu d’artifice d’invention poétique ou chansonnière : c’est un très beau poème de José Martí, chantre de l’indépendance cubaine, écrit en 1895, et adapté à la chanson en 1958 par le compositeur Julián Orbón.

Je vous propose donc de considérer, de manière quelque peu abusive, cette adaptation comme « la » version de référence de la chanson. Je suis cependant pleinement conscient des limites de ce choix, qui fait en quelque sorte l’impasse sur un fait essentiel : Guantanamera, plus qu’un contenu littéraire, est un contenant culturel dans lequel viennent s’exprimer l’âme du peuple cubain et le talent de ses interprètes sous forme d’une chanson éternellement changeante. C’est d’ailleurs peut-être cette « plasticité » de Guantanamera, cette capacité à être perpétuellement ré-inventée en fonction des humeurs des chanteurs et du public, qui explique son extraordinaire succès auprès du peuple cubain dont elle exprime en quelque sorte en en direct les états d’âme.

Mais une fois traduit le poème dans cette version, je ne suis pas encore au bout de mes peines, puisqu’il me faut trouver un interprète qui l’ait respectée à la lettre de manière à vous permettre de l’écouter confortablement.

Ce n’est sans doute pas un hasard si les seuls interprètes ayant parfaitement respecté le texte originel de Marti ne sont pas des cubains, mais des étrangers comme Pete Seeger ou Joan Baez. Je vous propose donc, par commodité pédagogique, d’écouter ce poème – ou plus exactement une partie de celui-ci, les strophes 1,2, et 5 -, interprétée par la voix très claire de Joan Baez, tout en lisant ma traduction.

Fabrice Hatem

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