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Carnet de voyage 2010 à Cuba

Les tambours Obini Bata

Vendredi 10 septembre 2010, La Havane

obinisite (pour visionner un diaporama et une vidéo de ce spectacle, cliquez sur les liens suivants : Diaporama, video)

A Cuba, il y a des lieux que j’aime et des lieux que je n’aime pas.

Par exemple, je n’aime pas les Casas de la Musica de la Havane, boites de nuits artificielles où le touriste piégé gaspille son argent et se ruine la santé en attendant jusqu’à 1 heure 30 du matin, dans un fracas assourdissant de musique techno et entouré de Jineteras à l’affût, que le groupe annoncé au programme veuille bien commencer à jouer.

Par contre, j’aime beaucoup le centre culturel de l’association Yoruba de Cuba, un lieu à la fois authentique et confortable – deux termes souvent antinomiques ici – où il est possible de se familiariser, au milieu d’un public majoritairement cubain, avec différents aspects des traditions populaires du pays.

C’est dans le joli patio de cet édifice que j’ai vécu cette semaine deux expériences à la fois émouvantes et instructives.

La première fut une cérémonie en l’honneur de la déesse de la mer, Yemaya. Dans le calendrier de la Regla de Ocha, certains jours sont plus particulièrement consacrés à la célébration d’un Orisha. Par exemple le 12 septembre est consacré à Oshun, le 24 septembre à Obatala, etc. Les fidèles se réunissent alors pour danser et chanter au son des tambours sacrés, les Bata.

Le 8 septembre était consacré à Yemaya. Lorsque j’arrivai, vers 17 heures, la cérémonie avait déjà commencé, au rythme des trois tambours sacrés, installés au fond du patio. Devant eux, une centaine de cubains étaient réunis, debout, dans une ambiance à la fois recueillie et bon enfant. Un maître de cérémonie – assez jeune et « branché » – circulait devant le public en chantant des chants sacrés et en invitant les fidèles à venir danser devant les tambours. Quelques personnes – surtout des femmes, et pas toujours les plus jeunes – s’exécutaient. Elles sortaient des rangs du public, venaient embrasser les tambours, et dansaient quelques minutes, parfois en chantant des chants traditonnels, puis s’arrêtaient et retournaient se fondre dans les rangs de l’assistance.

L’atmosphère tenait à la fois de la célébration religieuse – par son côté recueilli et attentif – et de la fête de village – par le caractère vif et joyeux de la danse où l’un pouvait reconnaître sans difficultés les pas de base du Mambo, du Cha-Cha-Cha ou la Salsa, qui comme vous le savez sans doute, tirent leurs origines des traditions populaires Caraïbes.

Je n’ai malheureusement pas pu prendre de photos de cette cérémonie, car cela était interdit.

Mais je me suis largement rattrapé trois jours plus tard. Tous les vendredi soir, en effet, le groupe Obini Bata donne au même endroit un très joli spectacle directement inspiré des traditions populaires afro-cubaines, mais intelligemment modernisé et théâtralisé. Le groupe, exclusivement composé de femmes, installa ses tambours à l’endroit même, où, trois jours plus tôt, avaient résonné les rythmes sacrés. Mais cette fois, le public – toujours majoritairement cubain, mais visiblement constitué de personnes d’un niveau social et culturel en moyenne plus élevé que celui de la cérémonie du mardi – était confortablement assis à de petites tables disposées en face des artistes.

Celles-ci enchaînent alors pendant deux heures des numéros de tambours, de danses sacrées, de chant, de poésie et de Rumba. Le spectacle est vif et bien rythmé, ne laissant jamais s’insinuer l’ennui. Les artistes sollicitent constamment – pour une rumba, une danse religieuse – la participation du public, qui se prête volontiers au jeu. Un grand respect est porté aux formes d’expression populaires traditionnelles, mais dans une ambiance décontractée et bon enfant où le rire, la comédie et l’humour ont largement leur place. Vers la fin du spectacle, sont proposées des numéros de style plus modernes, mais qui conservent cependant une évidente saveur d’authenticité.

Bref, c’est sympathique, pas cher, honnête et talentueux. Si vous passer pas là un vendredi, ne commettez surtout pas la même erreur que moi, qui suis parti un peu avant la fin du spectacle pour rejoindre la Casa de la Musica de Miramar, où mes tympans ont été broyés jusqu’à deux heures du matin, pour un prix 10 fois supérieur, par une assourdissante musique de Reggaeton enregistrée. Restez jusqu’au bout en compagnie des excelllentes artistes du groupe Obini Bata, et allez ensuite tranquillement vous coucher en espérant qu’Oshun ou Yemaya viendront vous rendre visite durant votre sommeil.

Fabrice Hatem

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