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40 000 emplois d’origine étrangère ont été créés en France en 2006

ImageEditeur : www.easybourse.com

Auteur : Imen Hazgui (propos de Fabrice Hatem recueillis par)

Titre : « 40 000 emplois d’origine étrangère ont été créés en 2006 »

Pour consulter l’article dans sa version publiée par Easybourse : https://www.easybourse.com/Website/interview/476-fabrice-hatem-afii.php

Au regard des résultats de la France pour cette année 2006, peut-on dire que le pays a su tirer son épingle du jeu de la mondialisation?

Selon le bilan publié par l’AFII, 40 000 emplois d’origine étrangère ont été créés en 2006, soit le plus haut niveau observé depuis que nous réalisons ces statistiques, c’est-è-dire 1993. Ce bon résultat s’explique par trois séries de facteurs, concernant à la fois le monde, l’Europe et la France. Au niveau mondial l’environnement est très porteur : la croissance économique, l’abondance des liquidités internationales et le mouvement d’internationalisation des firmes – qui s’accélère notamment dans de nombreux secteurs de services et touche un nombre croissant de PME – expliquent le dynamisme de l’investissement international. Ce mouvement a particulièrement favorisé l’Europe de l’ouest cette année : les entrées d’investissements créateurs d’emplois ont connu une assez forte progression, notamment dans les secteurs tertiaires et liés à l’innovation, comme les technologies de l’information ou les activités liés à l’environnement ou aux énergies renouvelables. Enfin la France dispose d’atouts spécifiques par rapport ses voisins : des infrastructures de meilleur qualité qu’en Grande-Bretagne, des couts salariaux inférieurs à ceux de l’Allemagne…

Comment expliquez-vous plus précisément les bonnes performances françaises de cette année ?

Pour comprendre les raisons de l’attractivité française, il faut partir des critères de localisation des firmes, qui se répartissent en trois grandes catégories : l’accès au marché, aux ressources et aux coûts. Or, non seulement l’Europe de l’ouest est le premier marché de la planète, mais il est aussi celui dont l’accroissement, exprimé en milliards de dollars courants a été, de plus le plus important aux cours des cinq dernières années, loin devant l’inde, la Chine et les Etats-Unis Les raisons relèvent d’une arithmétique simple : d’une part la très bonne tenue de l’euro face au dollar et aux monnaies asiatique, d’autre part, une masse économique au départ énorme, qui même avec une taux de croissance apparemment faible, « produit » mécaniquement beaucoup de nouvelle unités de PIB Ce dynamisme du marché européen constitue déjà en soi un raison suffisante à l’implantation de très nombreuses firmes sur le continent.

Par ailleurs, les multinationales viennent chercher des ressources rares en Europe. Par tant bien sur des matières premières qu’une main d’œuvre très qualifiée, avec des domaines de spécialisation pointus. Une partie croissante des flux d’investissements internationaux concernent en effet des activités très demandeuses hautes qualifications, qu’il s’agisse des services à haute valeur ajoutée, des industries de pointe comme les nanotechnologies, des industries de l’information, des biotechnologies, des filières de fabrication des énergies alternatives. Et la France est l’un des pays d’Europe dont la population est la mieux formée et la plus productive.

Enfin, concernant les coûts, les études disponibles, comme celles de KPMG ou de Mercer consultants, montrent que la France offre, dans de nombreuses activités, des conditions d’exploitations souvent plus avantageuses que de celles de nos voisins d’Europe du nord et même que du Royaume-Uni, qui constituent nos concurrents directs pour les projets à haute valeur ajoutée désireux de s’implanter en Europe.

Ce chiffre est contesté par la CFE-CGC. Pour le syndicat, la très grande majorité de ces emplois préexistaient et ne sont pas de véritables créations., mais seulement de prise de contrôle par des investisseurs étrangers. Qu’en pensez vous ?

Notre statistique a certainement des limites : Elle est par exemple exprimée en données brutes, ce qui signifie qu’elle ne concerne que les créations d’emplois. Cependant, des calculs du même type sont réalisés au niveau international par des institutions indépendantes, notamment des consultants en implantation. Leurs résultats confirment les grandes lignes de notre analyse : l’année en 2006 a été, selon ces sources, marquée par une progression assez nette des parts de marché mondiale de l’Europe de l’ouest pour les créations d’emplois par les firmes multinationales. En même temps, ces mêmes données montrent, il faut aussi le reconnaître, que des masses considérables de projets créateurs d’emplois de production industrielle s’orientent depuis des années de manière privilégiée vers l’Asie et l’Europe de l’est.

Mais la critique de CFE-CGC concerne surtout, je crois, le fait que nous mélangions des créations effectives d’emplois par des projets nouveaux avec les emplois concernés par les acquisitions d’entreprises françaises. Deux précisions sont nécessaires à ce sujet : d’une part, nous ne comptabilisons pas, bien sur, toutes les acquisitions d’entreprises françaises comme étant créatrices d’emploi, ce qui serait totalement absurde, mais seulement les reprise d’entreprise en difficulté – repérées selon des critères très précis – qui autrement auraient été condamnés à disparaître. Or, ces emplois sauvegardés ne représentent qu’une petite partie de notre bilan, de l’ordre de 20 %, un montant d’ailleurs dûment indiqué et isolé dans nos publications. La prise en compte de ces projets n’est pas destinée à « gonfler » subrepticement la statistique, mais à témoigner d’un enjeu économique réel : le maintien d’emplois menacés. Et le reste, soit 80 % du bilan, concerne bien des emplois entièrement nouveaux apparus à l’occasion d’investissements de création ou d’extension de site.

On observe en 2006 un redémarrage des créations d’emplois d’origine étrangère dans les activités manufacturières. Ce secteur a notamment été à l’origine de 63,5 % des créations totales d’emplois en France en 2006 (contre 62,5 % 2005 et 60,3 % 2004). Quels sont les facteurs explicatifs de cette évolution ?

C’est la bonne nouvelle de l’année. Depuis 2000, on observait un effet une tendance à l’érosion du niveau des emplois créés dans l’industrie manufacturière par les firmes étrangères. Ce tassement était compensé par la hausse progressive des créations d’emplois dans les activités de services. Or, depuis 2005, le niveau des créations d’emplois dans l’industrie s’est redressé, un mouvement qui s’est accéléré en 2006, notamment dans les secteurs des machines et équipements, des métaux et de l’aéronautique. Cela s’explique, entre autres, par le développement d’activités nouvelles, très innovantes ; filières liées à la production d’énergies alternatives, comme les panneaux solaires ou les bio-fuels, nouveaux types d’avions et de satellites, nouvelle usines de vaccin implantée par GSK à Saint-Amand-les-Eaux. Mais, en même temps, le dynamisme des créations d’emplois s’est confirmé dans les activités de service, notamment les centres d’appel où la France a réalisé une excellente année, avec plus de 4000 emplois créés par les entreprises étrangères.

Cette augmentation suffit-elle à redresser l’emploi dans l’industrie en chute de 1,9 % sur la période d’après l’INSEE ?

Il existe une tendance de fond à la baisse de l’emploi total dans l’industrie, qui s’explique par de multiples causes : des gains de productivité importants, une croissance de la production globalement inférieure celle observé dans les activités de services, et également un mouvement d’externalisation de certaines activités tertiaires autrefois exercée en interne par les entreprises industrielles vers des prestataires de services classés comme des entreprises du secteur tertiaire. Et bien sur, on en peut nier que les pays d’Europe de l’ouest souffrent de la concurrence de l’Est et de l’Asie pour l’implantation des nouvelles usines employant des quantités importantes de main d’œuvre peu qualifiées.Mais en même temps, le fait que des entreprises pensent naturellement à la France pour implanter certaines de leurs activités de production manufacturière est encourageant pour l’avenir. Il faut comprendre qu’avec l’internationalisation des firmes et l’ouverture des marchés, chaque territoire va devoir affronter une concurrence de plus en plus intense et élargie pour l’attraction des projets de production. En d’autres termes, la part des projets « mobiles », donnant lieu à compétition entre territoires, dans le total de l’investissement productif, est appelée à s’accroître. Le dynamisme des créations d’emplois d’origine étrangère en France constitue à la fois une conséquence mécanique de ce phénomène d’ouverture et le témoignage encourageant d’une résistance de attractivité de notre pays pour les activités manufacturières.

Le gouvernement place l’innovation au coeur de sa politique économique. Il a notamment labellisé 66 pôles de compétitivité dont 16 internationaux. Quelle a été l’importance de ces pôles dans le choix de localisation des investisseurs ?

La recherche d’une nouvelle spécialisation, créatrice de croissance et d’emplois, de notre pays dans la division internationale du travail constitue un enjeu décisif pour notre développement économique futur. C’est vrai notamment pour l’accueil des investissements. Pour suppléer au déclin de notre attractivité sur les industries intensive en main d’œuvre peu qualifiée, le repositionnement sur des activités innovantes et/ou à haute valeur ajoutée est absolument nécessaire. Les pôles de compétitivité, dont philosophie consiste à doper nos capacités d’innovation industrielles par un renforcement de la coopération de proximité entre centres de recherche et entreprises spécialisées, peuvent constituer un outil important dans cette perspective. Ils accroissent aussi la visibilité des capacités d’innovation offertes par notre territoire auprès des investisseurs internationaux, qui justement, sont à la recherche de ce type d’opportunités. Mais c’est là un combat permanent qui n’est pas encore gagné.

Quel rôle a joué l’AFII dans le dynamisme de l’attractivité ?

L’amélioration de l’attractivité du territoire française constitue un axe majeur de la politique gouvernementale depuis 2003. L’AFII ne constitue que l’on des outils de cette politique, même si elle joue évidement un rôle significatif de conseil et d’animation des structures de réflexion et de proposition, comme le conseil stratégique de l’attractivité. Depuis 3 ans, près 130 mesures destinées à renforcer l’attractivité ont été annoncées par le gouvernement français ans les domaines de la fiscalité, du droit des affaires et du travail, de l’accueil des personnels qualifiés ou à fort potentiel (chercheurs, cadres dirigeants et étudiants de qualité). Je peux citer un exemple parmi beaucoup d’autres ; l’extension de l’assiette du crédit d »impôt- recherche, qui permet de déduire de l’impôt sur les sociétés une part plus importante des dépenses de recherche réalisées en France par les entreprise. L’expérience a montré qu’il s‘agissait là d’un dispositif très incitatif à l’implantation de centres de R&D par les firmes multinationales en France.

Quelles sont les perspectives pour cette année 2007 ?

Les signaux disponibles portent plutôt à l’optimisme. Le nombre de projets nouveaux repérés par nos prospecteurs, exemple est plutôt en augmentation sur le premier trimestre.

La Chine s’est glissée cette année au septième rang des investisseurs. Quelle évolution est envisageable ?

Nous assistons aujourd‘hui à une montée des investissements en provenance des nouvelles puissances émergentes, où la montée en puissance de la base industrielle se traduit par l’apparition de grandes entreprises qui commencent à s’internationaliser. C’est vrai pour la Chine, notamment dans les secteurs des biens de consommation et des matières premières ; pour l’Inde, par exemple dans la pharmacie, les industries de base et les logiciels ; enfin, pour la Russie, dans des activités liées à l’énergie, aux métaux et peut-être demain à la défense. Beaucoup de ces entreprises sont en train d’accroître leurs investissements en Europe de l’ouest. Et la France peut constituer pour elles un point d’entrée intéressant. Par exemple, les entreprises chinoises ont implanté depuis deux ans dans notre pays, outre des bureaux commerciaux, plusieurs quartiers généraux européens et quelques centres de R&D. elles ont également réalisé quelques acquisitions, comme par exemple celle d’Adisseo, spécialiste de la nutrition animale, par Bluestar en 2006. Les montants concernés sont encore modestes, mais on peut espérer qu’il ne s’agisse là que d’un début. Pour anticiper la croissance de ces investissements et les orienter vers notre pays, l’AFII a renforcé ses moyens de prospection en Inde et en Chine avec à l’ouverture d’un bureau à Shanghai et à New Delhi.

Quelles nouvelles réformes sont envisagées pour améliorer l’attractivité du territoire de la France ? Quels sont les points majeurs à exploiter pour permettre à la France de faire face à la concurrence croissante des pays émergents et en transition ?

Il faut travailler sans relâche sur deux chantiers majeurs : d’une part, améliorer l’environnement des affaires dans les différents domaines où les entreprises étrangères expriment encore des préoccupations, comme la fiscalité ou le droit du travail ; d’autre part, améliorer la qualité de nos ressources – humaines notamment – accroître efficacité de leur mobilisation au service de l’innovation. Outre la qualité du système de formation, un rapprochement plus étroit entre les centres de R&D publics et le monde le l’entreprise constitue à cet égard un enjeu tout à fait décisif. Toute une série de mesures ont été prises en ce sens au cours des 10 dernières années : loi Allègre destinée à faciliter la création de start-up par les chercheurs, augmentation des moyens publics dédiés au financement de projets innovants avec notamment la création de l’Agence pour l’Innovation Industrielle, création des pôles de compétitivité…

Propos recueillis par Imen Hazgui

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