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Chanteurs tango

Entretien avec Melingo, le macho de la milonga

Editeur : La Salida n°46, décembre-janvier 2006

Auteur : Fabrice Hatem

Daniel Melingo, le macho de la milonga

Né en 1957, Daniel Melingo est originellement un musicien de rock « national » argentin, avec des incursions dans le jazz et le reggae. Il accompagne d’abord Milton Nascimento avant d’intégrer le groupe Los Abuelos de la Nada en 1980 puis de former avec Pipo Cipolatti l’ensemble Los Twist, pour lequel il compose notamment les titres Cleopatra et Hulla Hulla. Il travaille ensuite avec le « pape » du rock national argentin, Charlie Garcia, puis forme en Espagne le groupe Lions in Love, avec lequel il édite deux albums. En 1995, il réalise son premier disque soliste, H2O, où prédominent les rythmes reggae et funky. En 1997, il anime l’émission Mala Yunta de la chaîne Sólo Tango, dans laquelle il invite des musiciens de rock pour leur faire jouer du tango. Il oriente ensuite lui-même ses activités vers cette musique, avec des CD comme Tangos bajos (1998), Ufa (2003), et Santa milonga, édité en 2004 par le label Manana de Edgardo Makaroff. La Salida l’a interviewé lors de son récent passage à Paris en octobre dernier pour une série de concerts.

Quelle est selon vous la situation actuelle du tango ?

Après l’effacement des années 1960-1970, on observe aujourd’hui une formidable renaissance, à travers la musique électronique, les développements post-piazzollien et post-pugliesien. L’apparition d’une nouvelle génération de musiciens permet d’entrevoir un renouveau très vaste du genre dans les années à venir, à travers un double mouvement de retour aux sources et de regard vers le tango moderne. Beaucoup de jeunes se réapproprient aujourd’hui le tango comme une musique très importante.

Vous êtes vous-même davantage orienté vers un retour aux sources ?

Je fais une musique écrite pour les gens d’aujourd’hui et pas dans une vision passéiste. Mais le retour aux sources du tango, à la tradition du tango-chanson est primordiale. Edmundo Rivero a été un grand chanteur à la voix profonde, dont j’aspire à continuer le travail anthropologique. Beaucoup des paroles de mes chansons ont été écrites par Luis Alposta, qui lui-même travaillé avec Edmundo Rivero. Ses textes font la chronique et la caricature des personnages du peuple portègne. Ils utilisent beaucoup le Lunfardo. Cet argot, qui a plus de cent ans d’âge, était au départ un langage carcéral, parlé par les délinquants pour que d’autres ne puissent le comprendre. Il a aujourd’hui profondément pénétré dans la langue populaire courante, mais il s’est aussi transformé en style littéraire. Son utilisation aujourd’hui permet de rétablir un lien avec le passé.

Quel est votre rapport à la danse ?

Mon tango est surtout du tango-chanson, Mais j’aime que les gens dansent sur ma musique. La danse, comme la bicyclette, rend les filles belles Je suis impressionné par le nombre de gens qui dansent le tango à Paris. Je n’ai pas de projets précis de spectacle avec des danseurs pour l’instant. Mais pourquoi pas dans l’avenir ?

D’où vient votre sonorité de voix si particulière ?

Pour chanter, j’utilise depuis 5 ans une technique phoniatrique , sous la direction de Liana Lecuona qui me permet de projeter ma voix en continu, et accroît son caractère naturellement guttural lié à des cordes vocales très courtes.

D’où vient votre amour pour le tango ?

Je viens d‘un quartier populaire, Parque Patricio. Mon premier souvenir d’enfance, c’est ma grand-mère qui danse le tango. Dans ma famille maternelle, il y avait beaucoup de vieux milongueros. Dans les fêtes de famille, ils poussaient la table après les repas et se mettaient à danser. En fin de semaine, ils allaient dans des clubs de quartier, comme le Club Hurracan. C’est pour cela que je préfère un tango authentique, populaire, interprété pour et par les gens du faubourg, au tango for export des grands spectacles.

Votre trajectoire de musicien de rock influe-t-elle sur votre manière d’interpréter le tango ?

Je ne suis pas fermé aux influences croisées, je refuse de me laisser enfermer dans un genre. Mais en même temps, il existe une certaine authenticité du tango. Quand je fais du tango, je ne fais pas autre chose, sinon de manière inconsciente.

Propos recueillis par Fabrice Hatem et Francine Piget

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