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Tango à Berlin

Editeur : La Salida n°36, décembre 2003-janvier 2004

Auteur : Claudia Zels

Tango à Berlin

Si vous lisez l’allemand, alors procurer-vous: "Tango Metropole Berlin" de Jörg Buntenbach et Jörg Hesse, édité chez Kastell en 2001. Cet ouvrage retrace en 143 pages l’histoire et l’actualité du tango à Berlin, avec des récits de professionnels et d’amateurs, une présentation des écoles et des lieux de danse, ainsi que toutes sortes de références et d‘adresses utiles. Nous vous présentons ci-dessous un résumé du chapitre consacré à l’histoire.

L’histoire du tango argentin à Berlin

salida36 berlin Tout a commencé en 1913. Le tango se diffusait alors, à partir de Paris, dans toute l’Europe, touchant aussi Berlin : cette année-là, Niki Georgewitch y gagna en interprétant un tango argentin le premier prix d’un festival de danse. Le public berlinois commençait alors à s’intéresser à cette danse… jusque chez les officiers, ce qui déplaisait au Kaiser Wilhelm, qui leur interdisait à ses officiers de danser le Tango en uniforme. La clandestinité s’imposait alors aux militaires, comme pour la visite d’une maison close.

Après avoir perdu un peu de sa popularité dans l’après-guerre, au profit du Fox-trot ou du Charleston, il regagne petit à petit du terrain dans les années 20 grâce à l’apparition d’un répertoire allemand de chansons de tango, parfois un peu criant, mais bien adapté à un public désireux de s’amuser, sensible au glamour et qui n’appréciait pas outre-mesure les textes mélancoliques et tristes venus de Buenos Aires. Mais le tango perdait ainsi un peu de son authenticité, s’introduisant même dans des Revues de cabarets (de Friedrich Holländer, avec le chanteur Curt Blois). Même le roi du tango berlinois à l’époque, Juan Llossas, a expérimenté avec le tango pour plaire aux berlinois. Malgré des orchestres argentins très connus comme ceux de Manuel Romeo, Rodriguez Alba ou Eduardo Stubbs, qui essayaient de familiariser le public berlinois avec le tango argentin original, le tango argentin à Berlin subit une crise d’identité.

Pendant la dictature nazie, le tango disparut complètement, avec le bannissement des danses latino-américaines. Il ne restait plus que le tango de salon avec sa posture très raide.

Il faut ensuite attendre la dictature militaire de 1976 en Argentine pour que le tango revienne à Berlin, avec l’installation en Europe et notamment à Berlin, de beaucoup d’émigrés argentins. Cette fois, il arrivait directement d’Argentine et non au travers de Paris, Les musiciens du Sexteto Mayor, par exemple, accompagnaient des danseurs qui donnaient des démonstrations dans toute l’Europe.

En 1982, le Festival "Horizonte" accueillait des musiciens de tango argentin comme Astor Piazzolla, Juan José Mosalini, Susana Rinaldi, attirant à nouveau l’attention des Berlinois. La même année, un premier cours de tango s’ouvre à Berlin Ouest ; en 1983, a lieu le premier bal tango dans la salle du Metropol (près de Nollendorfplatz). C’est le début d’une nouvelle passion pour cette danse. La boutique Canzone (Savignyplatz) commence à vendre des disques de tango argentin. Petit à petit, le tango s’installe dans la ville, mais d’une façon différente des années 1920 : plus de spectacles de cabaret et d’effets spectaculaires, mais l’expression d’émotions et de désirs intimes. La coupure de la ville, l’augmentation du nombre de célibataires et de divorces peut expliquer ce nouvel engouement, le tango restant à Berlin un rendez-vous prisé des "Singles" à Berlin, qui peuvent ainsi échapper quelques heures à la solitude. Et les thèmes du tango – jalousie, amour malheureux argentin, sens du tragique, mais aussi cynisme et ironie touchent ce public.

La chute historique du mur de Berlin en 1989 donne un nouvel essor au tango. Les vieilles salles de bal miteuses de Berlin Est, attirent par leur magie les tangueros et tangueras de l’ouest. On danse aussi de manière improvisée dans des cours arrières des immeubles, dans des appartements vides. Et le public de Berlin Est se joint à cette passion. Au début des années 90, le théâtre variété Camäleon organise chaque vendredi une nuit de tango, rendez-vous obligé pour les adeptes. Puis vient la salle Kaisersaal, la "salle de l’Empereur", près du Potsdamer Platz, dans l’ancien Grand Hôtel Esplanade. Aujourd’hui, cet endroit est dominé par les nouveaux bâtiments de Sony et Daimler Chrysler. La salle Kaisersaal existe toujours, mais sans Tango.

Entre 1990 et 1995, la communauté s’élargit, attire une nouvelle génération de danseurs, s’organise. Les bals isolés deviennent des soirées régulières, annoncées par de simples bulletins photocopiés, dans un atmosphère encore un peu improvisée. Mais, peu à peu, des professeurs et danseurs de Buenos Aires viennent avec plus de régularité à Berlin. Des orchestres de tango berlinois voient le jour, comme "Tango Real" ou "Yira Yira". Un vrai marché se développe. Les Berlinois ont envie de danser le Tango tous les jours, et ce but est vite atteint. L’organisation s’améliore, la publicité se perfectionne, les médias parlent de plsu en plus du tango argentin à Berlin.

En même temps, apparaissent de nouvelles formes de syncrétisme avec des éléments européens : on entend à nouveau, parfois, les paroles drôles et insolentes des tangos allemands années 20 et 30, et le tango russe connaît aussi un vrai succès. Le tango à Berlin se développe en s’ouvrant des influences et des styles très divers. Mais une chose est claire : les Berlinois ne veulent plus renoncer à leur passion.

Aujourd’hui, Berlin est peut-être la plus grande métropole du tango argentin après Buenos Aires. Cette danse attire des pratiquants de tous âges et des touristes du monde entier. On trouve dans la ville plus de 30 milongas et 10 écoles de tango. Beaucoup de musiciens et danseurs argentins y vivent et y travaillent, sans parler des boutiques de chaussures, de mode, de musique.

On peut facilement se procurer ce livre, riche en illustrations et très fouillé, chez Amazon, au prix de 29,90 euros. Pour en savoir plus sur le tango argentin à Berlin, on peut également consulter le site : www.tangoberlin.de

Claudia Zels

 

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