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Vie culturelle

Les jours et les nuits de Mariana B., La Salida, n°36

ImageEditeur : La Salida, n°36, décembre 2003-janvier 2004

Auteur : Mariana Bustelo

Les jours et les nuits de Mariana B.

Des expositions sur le tango ? Pourquoi pas ? Me disais-je à la lecture du vaste programme d’événements du festival Pbta. Car, bien qu’il soit communément admis que le tango est une expression culturelle où convergent toutes les disciplines artistiques, qui ainsi s’alimentent et se renforcent mutuellement, ce sont tout de même la danse et la musique qui y jouent le rôle principal. Mais puisque le tango est par essence à la marge, pourquoi ne pas aller explorer les marges du tango ? Et celui n’est-il pas cette chose qui se donne à voir sans jamais s’offrir entièrement ? Dès lors, avec le programme sous le bras, je suis allée parcourir les expositions, pour voir ce que proposent les peintres et les photographes .

En entrant à la Coupole, je me trouve face à face avec la colonne peinte par Ricardo Mosner dans les années 1980, et je me rends compte que je n’ai peut-être pas choisi le meilleur moment pour voir son exposition. Entre serveurs en tenue et clients importunés par mes regards insidieux, je me glisse entre les tables pour découvrir quelques trente tableaux datant des vingt dernières années de cet artiste étroitement lié à l’univers du tango (l’affiche officielle du festival présente d’ailleurs une de ses œuvres). Les personnages me frappent par leurs couleurs violentes et leurs contrastes. Un rouge, un bleu, un jaune constellent la toile de « El rayado », « Moins le quart » ou « Vue », ce qui par contraste renforce d’autant plus le portrait délavé d’une fille d’hôtel dans « Hotel Dos Mundos ». Mosner crée des situations qui transmettent un climat de tango sans tomber pour autant dans le stéréotype ou le lieu commun. Une vitrine présente des objets – carnets de croquis, articles de journaux, lettres, cartes et revues illustrées par le peintre, des serviettes en papier avec des dessins… et un carnet qui aliment ma curiosité et mon imagination : je crois voir Mosner assis à une table de la Coupole, dessinant le visage d’un homme qui, en ce moment même, me regarde. Ricardo Mosner, la Coupole, 102 bld Montparnasse 14ème, jusqu’au 31 janvier.

Le groupe « Ateliers du marché » a présenté au cours des derniers mois son exposition « L’idée du tango » dans plusieurs villes européennes. Je m’achemine vers l’Ambassade d’Uruguay, curieuse de savoir quelle idée du tango ont les 12 artistes uruguayens qui composent ce groupe hétérogène (Alvaro Amengual, Federico Arnaud, Eduardo Cardozo, Diego Donner, Fermín Hontou, Carlos Musso, Inés Olmedo, Virgina Patrone, José Pelayo, Alvaro Pemper, Fidel Sclavo, et Carlos Seveso). A ma grande surprise, l’exposition qui devait avoir lieu jusqu’au 18 décembre était en train d’être démontée pour des raisons de dernière minute. L’ambassadeur désolé, me laissa voir ce qui était encore accessible et me suggéra de visiter le site www.arteuy.com.uy. Dans beaucoup de cas, les titres des œuvres sont des paroles de tango connues ou bien des titres qui pourraient convenir à un tango. Mais les images et les paroles se répondent dans un jeu de suggestions qui créé une multiplicité de sens. Fidel Sclavo esquisse des lignes noires, presque perdues dans le fond de la toile, et qui laissent à peine apparaître un chapeau ou un petit homme. Virginia Patrone s’engage dans le style de la « nouvelle figuration » par l’utilisation de couleurs fortes et violentes, créant ainsi, de manière paradoxale, des climats humides et mélancoliques. Les « scènes » d’Inés Olmedo présentent des corps flous dans une atmosphère rouge. Plus qu’une « Idée du tango », je découvre ainsi des voies d’explorations multiples de cette idée, à travers des styles et des techniques très divers. « L’idée du tango », groupe « Ateliers du marché », Ambassade de l’Uruguay.

« Génération tango », de Pedro Lombardi – qui vient de publier des photos dans l’agenda Aubade 2004 – est un regard un noir et blanc sur les villes où « naît » ou se génère le tango, mais aussi sur les différentes « générations » dans l’atmosphère du bal. Buenos Aires et Montevideo en avril 2003 : bien sûr, des photos de bal, de pratiques, de boutiques de chaussures, d’un kiosque de tango, des portraits d’un bandonéoniste ou de « jeunes » branchés… mais surtout des photographies de danseurs professionnels dans des milongas, traditionnelles ou non. Paris, juillet 2003 : des photos hors du temps, où, par moment, les quais de la Seine, sans l’explication fournie, pourraient être ceux de n’importe quelque autre ville, comme Mar del Plata. A noter une photo très intéressante de trois paires de jambes féminines, du spectacle « Suspiritango ». « Génération Tango » de Pedro Lombardi à la Fondation Argentine, Cité universitaire, jusqu’au 30 novembre.

En préparant l’exposition de photographies « Café tango », Pierrick Bourgault a rencontré un univers de tendresse très différent de l’image du « macho » que l’on associe a priori au tango. De grandes photos en couleur révèlent des fragments, des détails amplifiés de ce que Bourgault appelle « Tendresse » : son oeil capte l’instant intime, parfois si fugace en face de l »objectif qu’il n’en reste qu’une trace. Fugacité de la danse à Paris, à Montrouge ou à Pékin, lieux où l’amène son travail de journaliste. Bien que l’exposition soit déjà finie, quatre de ses photos ont été achetées par l’entrepôt où elles resteront en exposition permanente. « Café Tango » de Pierrick Bourgault à l’Entrepôt, 7-9 rue Francis de Pressensé 14ème .

Exposition de photos de Romain à la Casa del Tango. Un travail avec sur le fragment, de très petit format. Une exploration intéressante du milieu parisien du tango, où l’on peut reconnaître certains habitués. Jusqu’en Janvier. Casa del tango, 11 allée Darius Milhaud 19ème.

Mariana Bustelo

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