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Tangueros et tangueras

Une coutume argentine : les piropos

ImageEditeur : La Salida n°28, avril-mai 2002

Auteur : Virginia Gift

Une coutume argentine : les piropos

La coutume argentine des « piropos » chuchotés aux femmes par des membres du sexe opposé n’appartient pas au registre du comique stricto sensu. Mais un bon sens de l’humour est tout de même utile pour les apprécier.

Un piropo est un compliment, un « bouquet de mots » offert tranquillement, comme un cadeau anonyme. Beaucoup sont humoristiques : un amusement innocent pour l’homme et la femme et qui met un sourire sur le visage des deux. Habituellement, ils n’ont pas plus d’une phrase ou deux, et peuvent être destinés à des femmes de tous âges. On y fait parfois référence comme à une « séduction verbale ». Les meilleurs sont à la fois comique et poétiques. Le portègne Thomas Ronquillo se rappelle le temps où « savoir flirter était une compétence aussi importante que de savoir bien danser ». Un autre portègne confirme : « Dire les plus jolis mots est la même chose que danser le tango..; vous pouvez être peu attractif – et même laid – mais si vous êtes un bon danseur vous devenez désirable ».

Certains disent des piropos basés sur « une petite vérité poussée à son maximum » avec pour but de donner à une femme le sentiment d’être séduisante en choisissant une caractéristique – peut-être une qualité cachée – qui donne de la fierté à la propriétaire. Par exemple : « Avec des yeux lumineux comme les vôtres, qui a besoin du soleil ? » D’autres sont un simple mot comme « diosa » (déesse). Un homme m’a un jour expliqué : « Avec de la chance et de l’intuition, vous pouvez toujours trouver quelque chose que l’autre a besoin d’entendre ».

Les piropos sont murmurés dans les milongas mais aussi presque partout ailleurs. Une femme dans un club de tango de Buenos-Aires m’a raconté un jour un piropo qui courrait alors : « j’ai deux passions, manger de l’ail et danser le tango. Pour danser avec vous, j’irais jusqu’à arrêter l »ail ». Une autre a eu le plaisir du compliment suivant : « Avec vous, il est difficile de danser mal … Vous rendez mon tango meilleur qu’il n’est ». Ou encore :  » Brunette, vous bougez comme dans le ballet du Bolshoï » ; « Comme elles ont de la chance, les marguerites qui ornent votre chemise…J’aimerais être l’une d’entre elles pour pouvoir écouter les battements de votre cœur »..

A la Confiteria Ideal de Buenos Aires, où les étrangers viennent fréquemment parce que les Argentins du cru sont connus pour leur désir de danser avec eux, un homme demanda un jour à deux femmes d’âge mûr de quel pays elles venaient. Quand elles dirent qu’elles étaient américaines, la réponse immédiate de l’homme fut : « Vous êtes les étoiles de la bannière de votre pays ».

Les piropos ne sont jamais blessants. Ils ont toujours pour but de faire plaisir à une femme. Certains se souviennent de piropos dits dans la rue, comme : « Si la beauté était un crime, alors vous seriez condamnée à la prison à vie »; ou « Que soit bénie la mère qui vos a donné naissance ! » ; ou encore « Comme la technologie a progressé, maintenant les fleurs peuvent marcher ! » ; « Il y a eu un tremblement de ciel et un ange est tombé sur la terre. C’était vous » ; « De si jolies collines et je n’ai même pas de voiture pour les parcourir ! »

Le flirt fait partie intégrante de la vie dans les pays latins. Selon Nicole Nau, une danseuse professionnelle allemande de tango, qui vit à Buenos aires, « le portègne flirte avec les femmes tout le temps, toute la journée… Il cherche à se rassurer à travers les réactions féminines. Il est content d’un sourire, d’un regard ou de n’importe quoi d’autre qui le conduit à penser qu’il pourrait la posséder…S’il la désirait. Aussi bien les hommes que les femmes savent jouer ce jeu ; tous sentent la potentialité, la possibilité, sans lui permettre nécessairement de devenir réelle. Cela est vrai aussi pour le tango; il y a flirt à partir du premier regard d’invitation, puis dans la manière dont l’homme marche vers le femme, jusqu’au moment où il l’enlace pour commencer à danser et l’emmener dans une expérience d’amour et de passion potentiels – Elle séduisante dans son vêtement et sa démarche, très féminine et prête à se participer à ce jeu de séduction érotique dont chacun connaît les règles et les limites. Tous deux repartent ensuite de leur côté quand la danse est finie en sachant qu’ils ne reverront peut-être plus jamais le partenaire. On n’appelle pas le tango « une histoire d’amour de trois minutes » pour rien ».

En comparant les piropos et le tango, Thomas Ronquillo a écrit : « les piropos et le tango peuvent être drôles.. Tous deux invitent à l’intimité. Tous deux permettent la fantaisie. Tous deux demandent des compétences pour bien faire. Tous deux sont un domaine ou l’âge n’est pas un facteur limitatif. Un piropo dit dans la rue ou un tango bien dansé peuvent être des agréments de la vie »..

Virginia Gift

Annexe : Une interdiction sans effet durable

Angel Villoldo, auteur de tangos célèbres comme El Choclo ou El Porteñito, a également écrit de nombreuses chansons comiques et satiriques liées à l’actualité de son temps. Il nous livre ici ses ‘’réflexions » sur une ordonnance édictée en 1906, interdisant aux hommes d’importuner les femmes sur la voie publique sous peine d’une amende de 50 pesos. Visiblement sans succès, si l’on en croît l’article de Virginia Gift…

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