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Poésie et littérature

Le tango drôle des origines

ImageEditeur : La Salida n°28, avril-mai 2002

Auteur : Fabrice Hatem et Marcella Morilla

Le tango drôle des origines

Avant 1900, le répertoire du tango est essentiellement composé de petites ritournelles d’inspiration populaire, souvent improvisées, sans auteur connu, et dont les thèmes sont essentiellement centrés autour du monde des lupanars et de la prostitution. L’obscénité y est omniprésente, comme en témoignent les titres de certaines de ces chansons (annexe). Si malheureusement (?) les paroles ont été pour l’essentiel perdues (car de toutes manière personne à l’époque n’aurait osé signer ou publier de telles obscénités), un peu d’imagination et la lecture de n’importe quel recueil français de chansons de corps de garde vous permettra facilement d’imaginer les situations évoquées…

On a tout de même pu conserver quelques vers de la chanson « Concha sucia » (Chatte sale), composée en 1884 par le nègre Casimir, et dédiée à une prostituée nommé Enriqueta, connue pour ses éminentes qualités professionnelles malheureusement entachées par un sens de l’hygiène défaillant. Quelques paroles nous en sont parvenues : « Chatte sale, chatte sale / Tu es venue sans te laver la chatte / Cette chatte si savoureuse et si marrante / Qui me tient ensorcelé jusqu’à la gueule ». Choquant ? Peut-être !! Mais le rédacteur du code civil, le fondateur de l’école polytechnique, le créateur des départements français, le grand empereur Napoléon 1er lui-même, ne disait-il pas à l’impératrice Joséphine : « Ne te lave pas, j’arrive !!! ».

La mémoire collective est un peu moins oublieuse pour deux types de situations moins scabreuses : d’une part, le thème très de la relation prostituée-souteneur, qui a donné lieu à de très nombreux textes publiés sous forme de folliculaires sans auteur, comme Dame la lata ; d’autre part, les textes, qui sans être véritablement obscènes, sont un peu coquins, comme Bartolo tenia une flota, qui comme beaucoup d’autres chansonnette populaires argentines, sont inspirées du folklore espagnol, quand ils ne sont pas simplement la parodie vulgaire de chansons à la mode (annexe).

C’est en fait du début du XXème siècle que datent les premières chansons de tango écrites et publiées par un auteur connu, dont les plus célèbres seront Mendizabal et surtout Villoldo. Les personnages et les situations mis en scènes s’inscrivent alors dans la continuité d’une tradition populaire picaresque et souvent licencieuse, mais où les relations les plus scabreuses (proxénétisme, prostitution et surtout, bien sûr, amour physique..) ne sont plus évoqués que de manière allusive (El Porteñito) ou dans des textes à double sens comme El Choclo…(annexe).

Et c’est Contursi qui opérera, vers 1915, le passage avec le tango nostalgique que nous connaissons : avant de se spécialiser, à partir de Mi noche triste, dans le lamento du cocu abandonné, il avait en effet commencé sa carrière de parolier en écrivant des chansons plus que licencieuses…

Fabrice Hatem et Marcella Morilla

Titres de quelques tangos des années 1890

1) Titre relatifs aux organes féminins

La franela : D’la vraie flanelle !!!
Cachucha pelada : Foufoune mouillée
Concha sucia : Chatte sale
La concha de la lora : La chatte de la pute
El Serrucho : Le trou de la serrure

2) Titres relatifs aux organes masculins

Bartolo tenia una flota : Bartolo avait une flûte
Siete pulgadas : Sept pouces de long
El choclo : L’épi de maïs

3) Titres relatifs à l’acte sexuel et aux incidents qui l’accompagnent

La clavada : Bien clouée
Sacámele el molde : Retire-moi du moule
Con que trompieza que no entra : Patronne, ça rentre pas !
El fierrazo : Coincé dedans, ou « tige rouillée » ou « le canon du pistolet »
Va Celina en la punta : Va Celine sur la pointe
Dos sin sacar : Deux sans sortir
Colgáte del aeroplano : Accroche-toi à l’aéroplane
Dejálo morir adentro : Laisse-le mourir dedans
Sacudíme la persiana : Secoue-moi la persienne
¡Que polvo con tanto viento! : Une sacrée giclée !!

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