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Vie culturelle

Les jours et les nuits de Mariana B., La salida n°33

ImageEditeur : La Salida n°33, avril-mai 2003

Auteur : Mariana Bustelo

Les jours et nuits de Mariana B.

La Salida a demandé à Marina Bustelo d’animer une nouvelle chronique culturelle, consacrée aux spectacles et aux livres de tango. Nous vous en proposons ici le premier numéro, en souhaitant la bienvenue à Mariana dans notre équipe.

Cinéma : tango Désir

Le film Tango Désir est né de la rencontre entre Edgardo Cozarinsky, réalisateur argentin vivant à Paris depuis vingt-cinq ans, et Ana María Stekelman, choréographe argentine directrice de la compagnie Tangokinesis. Comme son titre le suggère, il présente le tango comme un espace d’illusion. C’est la prise de distance par rapport à la vie quotidienne et l’atmosphère onirique qui transforment le bal en lieu de désir. La première scène montre le ridicule d’un cours de danse où des exercices techniques sont repétés mécaniquement. Puis, viennent, en contraste les scènes de tango dansé, où le cinéaste insiste davantage sur la relation entre partenaires que sur les figures, comme pour montrer que dans le tango-désir la technique est un moyen d’expression, pas une fin en soi. Certaines séquences du film présentent Operatango, le dernier spectacle de Stekelman et de sa compagnie engagée depuis 1993 dans la recherche d’une fusion entre tango et danse contemporaine.

Film de Edgardo Cozarinsky sur une choréographie de Ana María Stekelman avec la compagnie Tangokinesis (ARTE France, Cinetevé, INA, 2002, 26 mn). Avant-première: Mardi 11 février 2003, salle de la Cinémathèque Francaise, palais du Chaillot. Passage le dimanche 16 mars 2003 sur arte canal.

Lecture : de nouveaux chemins pour le tango

La collection « Caminos de tango » de la maison d’édition Atlantica propose d’aller « à la rencontre du tango dans toute sa légèreté et toute sa profondeur ». Les livres déjà parus, Footango, les muscles du tango et Tango, du Danube à la Plata, tous les deux de Jean-Luc Thomas journaliste sportif qui est aussi le directeur de la collection, illustrent ce propos. Suivant la ligne d’investigation développée dans son livre Chemins de tango (Atlantica, 1998), l’auteur associe investigations personnelles et entretiens avec des protagonistes actuels du tango.

Footango analyse le rapport entre football et tango, qui ne passe pas inaperçu pour les habitants de Buenos Aires car le dimanche est à la fois le jour du stade et de la milonga.. Presque tous les témoignages insistent sur la similitude entre les façons de jouer au football et de danser le tango, pleines de créativité et d’astuce : deux footballeurs se disputant le ballon sont comme deux danseurs. Le tango et le football, attachés à des questions d’appartenance et d’identité, sont deux formes de la culture populaire. Ils ont suivi la même trajectoire de pauvreté faubourienne vers la richesse du centre ville. Les entretiens avec Luis Menotti (entraîneur de l’équipe argentine en 1978) et Héctor Negro (poète argentin de tango), ainsi que le chapitre présentant les chansons de tangos dédiées aux sports, sont particulièrement intéressants.

Tango, du Danube à la Plata … poursuit le chemin ouvert par Julio Nudler dans Tango juif, du ghetto à la milonga (Sudamericana, 1998. Non traduit) qui souligne les ambiguïtés du processus d’intégration dans le milieu du tango. Beaucoup d’immigrants sont venus en Argentine avec une volonté ardente d’intégration encouragée par les politiques argentines de l’époque. Ce milieu d’émigrés de toutes origines est celui où le tango a grandi. « Il faut comprendre (que) cette Argentine est toujours proche du chaos mais en même temps, autorise des mélanges qu’aucune autre societé organisée ne peut se permettre. C’est l’aspect positif de ce chaos » affirme Gustavo Beytelmann (pianiste et compositeur) dans un entretien consacré, comme celui de Suzanna Blasko (chanteuse) à son itinéraire conduisant de l’Europe de l’est au tango argentin.

Footango, les muscles du tango, Atlantica, 2002, 12 euros
Tango,du Danube à la Plata, Atlantica, 2002, 12 euros

Le tango dans tous ses états
Spectacle de Julio Canapa, 14, 15 et 16 février

Nous entrons dans la salle de théâtre de Pantin, le rideau est déjà tiré. Un grand réverbère, l’intérieur d’un bar ancien et les tangos qui résonnent déjà nous installent dans l’illusion théatrale, bien que le spectacle n’ait pas encore commencé. Une présentatrice nous informe que l’argent encaissé sera destiné à aider les uruguayens : l’art devient une forme d’action politique.

Le spectacle commence. Le Luis Rizzo Quartet (Luis Rizzo à la guitare, Emmanuel Massarotti au piano, Nini Flores au bandoneón, Jorge Loiotile à la contrebasse) et le percussionniste Abraham Mansfarroll s’intallent. Un personnage caractérisé comme uruguayen, avec le « mate » dans la main et le thermos sous le bras, raconte son histoire qui est aussi celle des habitants de son pays. Quand le narrateur prononce le mot « tango », les musiciens et Julio Canapa (chanteur, metteur en scène et auteur des textes) jouent un tango ou une milonga qui illustre l’histoire racontée. Parmi eux, le tango chanson « Como la cigarra » de María Elena Walsh en version française, « Rosa » de Jacques Brel en version milonga et le tango candombe « Can Tango » de Julio Canapa, pendant laquelle tous les musiciens se transforment en percussionistes.

La danse est également représentée, sur quelques morceaux, par deux couples, Miguel Gabis et Bibiana Guilhamet, (en remplacement de Charlotte Hess), et Javier Castello et Andréa Ardito. Le spectacle se poursuit par un bal pour tous. Ainsi le tango prend vie dans tous ses états: le spectacle et le bal ; le tango-chanson, la milonga, le candombe; la musique, la danse et l’histoire.

Mariana Bustelo

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