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Poésie et littérature

Grotesque et tragique chez Discépolo

discepolo2 Editeur : La Salida n°28, avril-mai 2002

Auteurs : Fabrice Hatem et Francine Piget

Grotesque et tragique chez Discépolo

Dans une récente interview à la Salida, Alfredo Arias nous avait déclaré : « La culture française aime bien séparer, classer, analyser.. ; si on est drôle, on n’a pas le droit de faire du grave ; si on est grave, on n’a pas le droit de faire du drôle.. Par contre, la culture un peu désarticulée des Argentins fait qu’ils peuvent naviguer sur la diversité des émotions ». Cette analyse s’applique tout particulièrement à Enrique Discépolo, dont l’œuvre poétique mélange aisément tragique et bouffonnerie, réalisme cru et onirisme.

Le rire chez Discépolo éclate en effet là où on l’attend le moins : dans l’outrance grotesque d’un personnage qui déclare avoir battu sa femme par amour, pour qu’elle parte loin de lui (Confession) ; dans la rancœur ridicule d’un boucher trop naïf, roulé par une gourgandine sans scrupules (Chorra) ; dans l’amertume désespérée d’un vagabond, que le désespoir et le dégoût d’une humanité sans cœur font aboyer comme un chien (Yira ! yira !).Ou encore dans la critique grinçante, à la fois amère et pleine d’humour, d’un siècle sans morale (Cambalache).

Cette apparente confusion des sentiments et des émotions peut dérouter le public français habitué à un découpage plus cartésien (on ne rit jamais dans une tragédie de Corneille, on ne pleure jamais dans une comédie de Feydeau). Mais elle semblera par contre naturelle au public, italien, habitué depuis longtemps à voir associés rires et larmes dans la Comedia del Arte. Et l’œuvre de Discépolo évoque irrésistiblement l’atmosphère des pièces du napolitain Eduardo de Filippo, dont il était d’ailleurs un admirateur et un interprète. A la description grinçante des petites mesquineries et des haines familiales, brossée par Eduardo dans « Samedi, dimanche et lundi », répond comme en écho, le «¡ Victoria !» de Discépolo, où un mari abandonné se réjouit du départ de sa femme détestée.

Fabrice Hatem et Francine Piget

Pour consulter le poème Victoria et sa traduction, cliquer sur : Victoria (PDF)

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