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Grandes écoles françaises : cap à l’international (avril 2005)

Editeur : Le Nouvel économiste, avril 2005
Auteur : Fabrice Hatem

Grandes écoles françaises : cap à l’international

nouvelecocom L’internationalisation des écoles françaises d’ingénieurs et de gestion s’accélère. Par l’accueil d’un nombre croissant d’étudiants étrangers. Mais aussi par la projection de notre offre de formation hors des frontières de l’hexagone, à travers une multiplication des partenariats avec des institutions étrangères, voire l’implantation directe de campus. Tel est le constat dressé la semaine dernière lors du 4ème forum de l’association n+1, qui regroupe une soixantaine de grandes écoles françaises intéressées par le développement international.

Il faut dire que la compétition croissante entre systèmes de formation nationaux ne leur laisse guère le choix. Attirer les bons étudiants, internationaliser les cursus, créer des réseaux de coopération avec des homologues étrangers, défendre la notoriété internationale des diplômes, deviennent aujourd’hui des conditions indispensables de survie. Mais chaque pays aborde cet enjeu selon des approches différentes. Les universités américaines ont ainsi mis en place des dispositifs redoutablement efficaces de répérage et d’attraction des meilleurs étudiants vers leurs campus nationaux. Les anglaises recourent volontiers à la mise en franchise de leurs formations vers des établissements étrangers, comme l’a fait la London School of Economics avec des universités malaises. Les australiens prospectent, dans une démarche très commerciale, les étudiants étrangers prêts à payer des droits d’inscriptions élevés pour venir étudier dans l’ïle-continent. Enfin, les québécois se sont fait une spécialité de l’enseignement à distance, utilisant largement l’internet.

Quant aux établissements français, leur approche est davantage fondée « sur les initiatives personnelles, le bénévolat, et une préoccupation d’aide au développement », comme le note Christian Duhamel, professeur à l’université d’Orsay. Une dimension qui apparaît nettement à l’examen de la liste des mastères internationaux mis en place en partenariat avec des établissements étrangers, établie par la Conférence des grandes écoles : 13 d’entre eux concernent en effet l’Afrique et le Moyen-orient, 9 l’Europe orientale et 4 l’Asie, contre seulement 7 pour l’Europe occidentale et 1 pour l’Amérique du nord.

Mais ce terme d’internationalisation recouvre des réalités en fait très diverses. L’implantation de campus à l’étranger, comme l’a fait l’école d’informatique ESAIA à Casablanca ou comme l’intergroupe des écoles centrales envisage de le faire à Pékin, ne représente en fait qu’une proportion assez faibles des opérations : trop coûteux, trop lourd à gérer. C’est pourquoi la mise en place d’une filière française au sein d’un établissement étranger existant constitue en fait la solution la plus répandue. Selon les cas, elle peut déboucher sur l’octroi d’un diplôme français – comme par exemple de DESS finances et contrôle de gestion implanté par l’université d’Orléans à l’institut supérieur de gestion de Casablanca – ou faire partie d’un cursus diplomant local, comme la filière « science de l’ingénieur » animée par l’Institut Polytechnique de Grenoble à l’Université de Bucarest. Il existe également des diplômes dits « conjoints » où les établissements partenaires assurent chacun une partie de la formation. C’est par exemple ce que fait l‘Ecole des affaires de Paris en association avec des établissements de Berlin, Londres ou Madrid, dans le cadre d’un programme sur trois ans où les étudiants changent chaque année de pays. On peut enfin mentionner une multitude de coopérations plus légères ou ponctuelles : échange de professeurs ou d’étudiants ; aide à la mise en place de nouvelles filières pédagogiques ; constitution de réseaux de coopération, comme l’a fait l’Ecole des ingénieurs de Marseille avec des établissements du bassin méditerranéen…

Les écoles françaises sont ainsi en train de mettre en place un modèle original d’internationalisation, qui constitue une alternative à des démarches anglo-saxonnes plus commerciales. Cette approche partenariale permet en particulier d’assurer la formation d’un nombre important d’ingénieurs et cadres dans des pays en développement, à un coût moindre et avec des risques plus réduits de « fuite des cerveaux » que s’ils venaient faire leurs études en tant que boursiers dans notre pays. On estime ainsi à 30 000 le nombre d’étudiants déjà formés dans des filières techniques francophones en Europe de l’est. Mais, à quelques exceptions près, la démarche reste limitée aux grandes écoles. Les universités françaises ne disposent en effet ni des moyens financiers ni surtout de la souplesse juridique et budgétaire qui leur permettrait le lancement de tels programmes. Une situation qui risque de cantonner le « modèle » français à l’artisanat…

Fabrice Hatem

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