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Reprise de l’investissement international : l’Europe de l’ouest à l’écart ?

Editeur : Le nouvel économiste, 18 février 2005

Auteur : Fabrice Hatem

Reprise de l’investissement international : l’Europe de l’ouest à l’écart ?

nouvelecocom Début janvier 2005, l’américain TRW automotive a annoncé la création d’un nouveau centre de recherche développement en Pologne, avec 240 emplois à la clé. Une petite pierre de plus dans le jardin des économies ouest-européennes, où l’on pense souvent pouvoir compenser l’hémorragie des emplois industriels non qualifiés par le développement des activités de recherche et de haute technologie. Et si, sur ces activités elles aussi, s’exercait désormais la concurrence des pays émergents ? Quel créneau de spécialisation resterait-il alors aux anciens pays industriels ?

Les premières estimations disponibles sur les évolutions des investissements internationaux en 2004 sont à cet égard assez peu encourageantes. Grosso modo, la progression enregistrée au niveau mondial aurait quelque peu laissé de côté une Europe de l’ouest, qui devra se contenter, au mieux d’une stagnation, au pire d’une chute investissements étrangers : cela dépend des sources. C’est du côté des flux financiers que les résultats sont les plus inquiétants : selon les premières estimations de la Cnuced, les flux de IDE d’entrants en Europe auraient été pratiquement divisés par deux entre 2003 et 2004, passant de 310 à 165 milliards, alors que le total mondial aurait lui progressé de 6 %. Et, pour la première fois, les flux d’investissement à destination de l’Asie – 255 millards – dépasseraient ceux s’orientant vers l’Europe.

Il est vrai que ces statistiques, incluant des mouvements de trésorie et de opérations de fusions-acquisitions, sont mal adaptées pour mesurer les opérations réelles d’investissement productif. Tournons-nous alors vers les bases de données constituées à cet effet par les consultants et les agences de promotion : IBM/PLI, Ernst and Young, et, en France, l’AFII. Des diagnostics assez convergents, et peu encourageants pour l’Europe de l’ouest. IBM/PLI décrit, pour la première moitié de 2004, une légère croissance des projets internationaux et des emplois créés au niveau mondial par les multnationales ; il annonce par contre une stagnation des emplois créés dans les grands pays ouest-européens, à un niveau très inférieur à celui des grands pays asiatiques, comme la Chine et l’Inde. Quant à la base de données européenne d’Ernst and Young, elle fait apparaître un contraste assez marqué entre la forte progression des projets orientés vers l’Europe de l’est en 2004 et la stagnation de ceux à destination des pays de l’ouest.

Explications de ces résultats médiocres ? D’abord, le faible dynamisme des marchés, la médiocre croissance ouest-européenne contrastant avec la reprise marquée de l’économie mondiale (2,5 % contre 5 % en 2004 selon les estimations de The Economist Intelligence Unit) ; ensuite, les écarts de coûts de production avec les pays émergents, avec des taux de salaire horaire ouvrier dix foix supérieurs à ceux de la Roumanie et 40 fois à ceux de la Chine, le taux de change élevé de l’euro n’arrangeant évidemment rien ; enfin, une capacité d’innovation inférieure à celle des Etats-Unis, et dans certains cas, du Japon, dans les filières high tech des NTIC et des biotechnologies ; un retard encore récemment souligné par le rapport de Jean Louis Beffa sur les grands programmes structurants, rendu public en janvier dernier.

Et les perspectives à moyen terme ne sont pas très encourageantes : l’enquête mondiale sur les perspectives d’investissement réalisée chaque année par la Cnuced, et qui vient d’être publiée en janvier, montre que l’intérêt des multinationales pour les marchés émergents pourrait encore se renforcer, au détriment de l’Europe de l’ouest, au cours des années à venir. Un diagnostic confirmé indirectement par certaines analyses en provenance de l’AFII, qui montrent que l’est du continent a attiré plus de la moitié des emplois « internationalement mobiles » créés en Europe l’an dernier. Et qu’après la république Rchèque et la Hongrie, de nouveaux pays montent en puissance, comme la Slovaquie, la Bulgarie, la Turquie ou la Roumanie : toujours plus à l’est, telle semble aujourd’hui la devise des multinationales implantées en Europe, au moins pour les grands projets industriels. Restent, pour les pays de l’ouest, beaucoup de petits projets, peu créateurs d’emplois, notament dans les services,.

Certes, la réaction s’ébauche dans nos pays : réformes sociales de grande ampleur en Allemagne (les salariés ont bon dos) ; politique d’attractivité encore réaffirmée par le séminaire gouvernemental du 7 février dernier en France ; au niveau européen, tentatives de la nouvelle commission Barroso pour sortir de l’ornière un agenda de Lisbonne quelque peu enlisé à mi-parcours. Mais les européens sauront-ils assez rapidement, passer d’un diagnostic bien posé et de plans d’action séduisants à la mise en œuvre concrète ?

Pour une étude plus à jour et plus approfondie sur les investissements étrangers en Europe, cliquez sur le lien suivant : /2006/07/13/rapport-sur-l-investissement-international-en-europe-2002-2005-edition-2006/

Fabrice Hatem

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