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Filière automobile : cap à l’est ?

Editeur : Le nouvel économiste, n°1268, 16 juillet 2004
Auteur : Fabrice Hatem

Quand la filière automobile met le cap à l’est

nouvelecocom En République tchèque, l’allemand Erich Jaeger annonce la construction d’une usine de câbles auto à Vlocovice (200 salariés). En Slovénie, Renault embauche 400 ouvriers supplémentaires sur son site de Novo Mesto. En Roumanie, le constructeur français débute la production de la Dacia X90, véhicule bon marché destiné à la clientèle des marchés émergents, tandis que l’allemand Draixlmaier inaugure une 5ème usine de composants électroniques automobiles (1000 personnes). Pendant ce temps, Michelin annonce 2900 suppressions d’emplois en France sur 3 ans, soit 12 % de ses effectifs actuels dans notre pays.

Ces quelques exemples récents témoignent de l’impressionnant mouvement de délocalisation qui touche aujourd’hui l’Europe de l’Ouest. Sur 250000 emplois créés au cours des années 1998-2002 dans la filière automobile en Europe par les investissements internationaux, près de la moitié l’ont été dans les pays de l’Est. Dans le même temps, les mouvements simultanés de délocalisation et de rationalisation industriels se sont traduits dans nos pays par une chute vertigineuse de l’emploi : -135 000 dans l’industrie automobile française entre 1980 et 2003, soit une baisse de plus du tiers.

Bien sur, les montants d’investissements dans les pays développés restent très supérieurs, en termes financiers, à ceux réalisés dans les pays émergents. Mais il sont moins créateurs d’emplois. En effet, ils ont plutôt pris, au cours des dernières années, la forme de fusions-acquisitions ou d’opérations de rationalisation destinées à moderniser la base industrielle. Les investissements « greenfields », créateurs de capacités et d’emploi, se sont surtout localisés dans les pays émergents, à la fois pour tirer parti des faibles coûts salariaux et pour s’implanter sur les marchés à croissance rapide d’Asie, d’Europe de l’est, voire d’Amérique latine. D’où un déversement des capacités de production manufacturières vers ces zones, dont chacune devient, sous l’action des multinationales, un atelier de fabrication satellite de la région développée dont elle constitue la périphérie.

Les industriels allemands et scandinaves, et dans une moindre mesure français, ont par exemple massivement réorganisé leurs filières de production en les élargissant vers l’est de l’Europe. En conséquence, une part croissante de l’industrie automobile européenne est localisée à l’Est du continent. Et le phénomène se cesse de gagner en intensité comme en extension géographique. Au départ limité à quelques pays (Hongrie, République tchèque, Pologne), et aux activités de main d’œuvre, celui-ci s’étend maintenant à d’autres pays de l’Est (Roumanie, Slovénie…), tandis que les pays offrant les meilleures ressources en main d’œuvre qualifiée, comme la Hongrie et la République tchèque, accueillent désormais des activités à plus haut niveau technique. Et ces flux d’investissement au départ isolés, en prenant de l’ampleur, aboutissent progressivement à la constitution de filières complètes regroupant constructeurs et équipementiers dans des districts industriels puissants.

Les constructeurs, par exemple, se sont fortement implantés en Europe de l’Est, soit par rachat (Dacia par Renault en Roumanie, Skoka par Volkswagen, etc.) soit par création de sites nouveaux (PSA-Toyota à Kolin). Mais ce sont surtout les équipementiers qui ont mis le cap à l’est, pour deux raisons. D’une part, ils ont été incités par leurs clients à s’implanter à proximité des nouveaux sites d’assemblages. D’autre pat, ils ont délocalisé de manière autonome leurs unités de production afin d’approvisionner, à partir des pays à bas coûts, les sites d’assemblage de l’Europe de l’ouest (cas notamment des fournisseurs de la Toyota Yaris assemblée à Valenciennes). Au total, les pays de l’Est ont ainsi attiré, entre 1998 et 2002, plus de la moitié des créations d’emplois nouvelles décidés par les multinationales dans l’équipement automobile, contre « seulement » 36 % pour l’activité d’assemblage.

On pourrait regarder ce mouvement avec un certain détachement, en expliquant qu’il est globalement positif pour l’Europe dans son ensemble, qu’il trouvera des limites naturelles du fait de la faible taille des pays d’accueil. A l’appui de cette thèse, ont peut citer les performances toujours très honorable de pays comme la France pour l’accueil d’investissements nouveaux : près de 7000 emplois créés en 2003, ce qui est tout de même loin d’être négligeable. Mais on ne peut sous-estimer le risque de scénarios plus noirs où une partie importante de la filière automobile se déverserait hors de l’Europe de l’Ouest, avec des conséquences dramatiques pour l’emploi.

Fabrice Hatem

Pour une étude plus approfondie et plus à jour sur la filière automobile en Europe, cliquez sur le lien suivant : /2004/12/22/automobile-declin-ouest-europeen-janv-2005/

Pour des analyses plus complètes sur le thème de l’investissement international en Europe : /2006/07/13/rapport-sur-l-investissement-international-en-europe-2002-2005-edition-2006/

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